Dans la joie et la bonne humeur... Ce 8 mars a été des plus historiques. Des millions d'Algériennes et d'Algériens sont sortis dans les rues pour une nouvelle démonstration de pacifisme et pour dire d'une seule voix leur désir de liberté. Youyous, tambours et même feu d'artifice! Alger était hier en fête pour dire non à la candidature du président sortant Abdelaziz Bouteflika. En effet, l'acte III des manifestations contre le cinquième mandat a été une véritable communion entre Algériens. Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes de toutes catégories sociales ont envahi les rues du pays pour dire d'une seule voix: barakat! On est venu, seul entre amis ou en famille. Des bébés étaient aussi de la partie. Tout comme des personnes à mobilité réduite. Ils étaient des millions à travers les 48 wilayas du pays à avoir fait de la Journée internationale de la femme la fête du changement. Du jamais-vu! À Alger, toutes les artères du centre-ville grouillaient de monde, et ce, dès les premières heures de la matinée. Alors que les deux premiers actes de ce mouvement citoyen avaient eu lieu juste après la prière du vendredi, cette fois-ci les «marcheurs» ont «zappé» la Djamouaâ! L'avenir du pays étant en jeu! Ainsi, il était à peine 10 h du matin quand ont retenti les premiers «Bouteflika makache 3ouhda Khamissa (Bouteflika il n'y aura pas de cinquième mandat)». Il n'en fallait pas plus pour «chauffer» une foule en délire qui a improvisé une première marche de la place Maurice Audin jusqu'à la Grande Poste. S'ensuivit une seconde de la place du 1er Mai jusqu'à la place Mauritania s'ébranlant sur la très symbolique rue Hassiba Ben Bouali, notamment en ce 8 mars! Les retardataires qui ont eu vent du début des «festivités» se précipitaient pour ne rien rater de cette nouvelle journée historique. Des milliers de personnes arrivaient les uns après les autres pour se déverser dans le calme et la sérénité sur «El Bahdja» qui n'a jamais aussi bien porté son nom. Il y avait même des bus venus de la wilaya d'Adrar à l'extrême sud du pays. «On voulait être au coeur de l'événement. On veut que la fête des femmes soit celle du pays avec le départ du pouvoir», nous ont lancé tout sourire les occupants qui étaient en majorité des femmes. La gent féminine était à l'honneur en étant un peu plus majoritaire que les hommes. Nos «fahlate» ont donné un doux parfum féminin à cette belle journée, malgré le ciel grisâtre. D'ailleurs, les tensions ressenties lors des premières marches ont disparu comme par magie. Même du côté des services d'ordre où les visages étaient des plus festifs. Certains ont retiré leurs casques préférant s'asseoir au côté de la foule, où ils ont eu de grandes discussions. Les «Khawa», «Khawa» (frère, frère, Ndlr) étaient de la partie. «Tout comme nahi el casquita, arwahe maana» (enlève ta casquette, rejoins le peuple, Ndlr). Les agents du maintien de l'ordre ont répondu par de grands gestes de la main et de beaux sourires. Des tonnerres d'applaudissements s'ensuivent. On a même vu des enfants aller faire la bise aux policiers qui leur ont prêté leurs casquettes le temps d'une photo. C'est véritablement une journée de réjouissances! Le temps passe, la foule grandit et la fête est encore plus belle. Plusieurs autres marches sont alors organisées simultanément à travers tout le centre d'Alger. Dans la joie et la bonne humeur, on demande au pouvoir de partir. «On ne veut ni de Ouyahia ni de Bouteflika», lancent les manifestants. Certains, répliquent «non à la continuité, oui au changement» en référence aux réformes promises par le chef de l'Etat. D'autres vont encore plus loin avec les «Ya Sarakine klitou Lbled (voleurs, vous avez dilapidé le pays)» qui résonnent au rythme des «Ouyahia dégage». L'hymne national et les chansons patriotiques étaient également au rendez-vous. Ces Algériens fleur et drapeau national dans une main, et pancarte dans l'autre ont voulu faire entendre leur voix pour demander au régime en place de faire ses bagages. Il est presque 16h, il n'y a plus aucune place où pouvoir circuler à Alger, mais du monde continue à arriver. Il est difficile de marcher, on reste alors sur place pour faire entendre notre voix. À l'exemple de la Grande Poste où près de l'immeuble appelé la Parisienne qui est en construction a été envahi par des centaines de jeunes qui y ont fait flotter l'emblème national avant de mettre une ambiance de folie. On bouge, on chante, on danse, on joue, on aime et surtout on célèbre le changement. Mais les voix de millions d'Algériennes et d'Algériens continuent à raisonner: «Il est temps que vous partiez»!