Il a fallu près de huit mois de travail et de répétitions pour aboutir à un tel résultat. Chose promise, chose due. Le chanteur de charme, Brahim Tayeb, nous revient avec une adaptation de son tube Inthas (Dites-lui) en version arabe, certainement pour toucher un public plus large en s'adressant à tous les mélomanes de l'Algérie profonde, et ils sont nombreux. Cela donne «Ya Rit'ha Terda». (Pourvu qu'elle dise oui). La chanson raconte l'histoire d'un couple qui vit sa relation amoureuse à travers un dialogue intense. C'est à la fois l'actualité et la quotidienneté revisitées à travers la loupe d'un amour fou, démentiel. Le chanteur, qui nous avait habitué à un répertoire où le nostalgique le dispute au mélancolique et à des mélodies qui sont plutôt des berceuses, se dépense à fond dans ce nouveau produit. Et il faut bien reconnaître qu'il se surpasse: tout est magistral dans cette chanson de quarante minutes. Le texte et la musique sont tout simplement complémentaires et concourent à donner son cachet original au produit. Côté musique, justement, nous avons affaire au style maghribi, qui est un peu la synthèse et la quintessence de ce qui existe à l'échelle du Maghreb, de l'andalou au chaâbi, en passant par le genre marocain, ou le bédoui oranais, c'est-à-dire à tout cet héritage d'un fonds tirant ses racines dans ce qu'il y a de mieux dans cette région du nord de l'Afrique, avec des clins d'oeil aux sonorités méditerranéennes. Ce que beaucoup de gens ne veulent pas comprendre, c'est que la musique n'a pas de frontière, et quand on est en face d'un génie créateur comme Brahim Tayeb, on voit avec quel talent il a assimilé et intériorisé tous ces genres pour enrichir comme il se doit le patrimoine algérien. L'auteur compositeur passe avec brio d'un mode à l'autre, d'un rythme à l'autre. Non pas pour faire étalage de ses connaissances musicales, mais bien pour exprimer tout le registre des sentiments, souvent tourmentés, contenus dans les paroles. Et le résultat est tout simplement sublime, au point qu'on ne se lasse pas d'écouter et de réécouter cette chanson. Pour réussir un tel pari, il fallait justement un orchestre digne de ce nom, une chose que Brahim Tayeb a trouvée dans l'orchestre de la Radio nationale, sous la direction de M.Boudjelil. Il a fallu près de huit mois de travail et de répétition pour aboutir à un tel résultat. Côté interprétation, il fallait, bien sûr, du souffle et une voix en mesure d'épouser toutes les contraintes imposées par le riche relief de la partition, et par sa longueur. Chanter une telle chanson d'une traite n'est pas, effectivement, à la portée de n'importe qui. Il ne s'agit pas du deux cents mètres mais bien de la course de fond, telle qu'on ne la rencontre que dans les marathons. Ce faisant, Brahim Tayeb rejoint le cercle, très fermé, des grands chantres de l'andalou, du malouf, du chaâbi ou des grandes oeuvres orientales de Mohamed Abdelwahab ou de Oum Keltoum. Et il le fait à partir d'une oeuvre artistique époustouflante qui se classe, d'emblée, au top de ce qui peut exister en la matière. On se demande, cependant, si les structures et les institutions sont en mesure de suivre un artiste exigeant comme Brahim Tayeb, pour mettre à sa disposition les moyens techniques dont il a besoin pour faire la promotion de son produit, soit pour sa diffusion, soit pour organiser des tournées à l'échelle nationale. C'est-à-dire qu'on est habitué au bricolage et à la facilité et quand on se retrouve devant un tel niveau de créativité, on est sans ressources. La bonne volonté suffira-t-elle? Les responsables de la culture qui ont reçu Brahim Tayeb ont tenu à dissiper les malentendus, en l'assurant de toute leur disponibilité ainsi que celle des structures qui relèvent de la tutelle. Car il faut bien le dire, tant que les entreprises privées ne sont pas en mesure de sponsoriser un tel artiste, seules les institutions étatiques, comme les offices culturels et les maisons de la culture, pourront l'encadrer et le promouvoir. En l'état actuel des choses, c'est tout à leur honneur. Du souffle, il en faut pour faire un travail comme celui de Brahim Tayeb. Avec sa chanson «Inthas» (Dites-lui) qui a eu un succès énorme et que d'aucuns considèrent comme un chef-d'oeuvre du genre, le chanteur de charme et enfant turbulent de la chanson algérienne a eu l'idée, tout à fait légitime, de tenter, non pas une traduction, mais une adaptation en langue arabe. Pari réussi, près de deux ans après la sortie de Inthas, puisque Brahim Tayeb vient de mettre sur le marché la version en arabe algérien de ce tube, qui dure 40 minutes, prouvant que l'artiste est un coureur de fond qui n'hésite pas à se lancer dans des oeuvres colossales. Par ailleurs, tous ceux qui ont la chance d'assister à un spectacle de Brahim Tayeb et de le voir sur scène, ont apprécié sa maîtrise orchestrale et la synergie qu'il y a entre lui et les instrumentalistes. C'est la raison pour laquelle on ne peut qu'applaudir à la prochaine tournée qu'il compte effectuer à travers tout le territoire national. Enfin, on ne terminera pas cette brève présentation sans dire que l'ambition légitime de tout artiste est d'élargir son auditoire et de voir s'agrandir son espace d'expression, surtout que, comme Brahim Tayeb, on n'hésite pas à prendre son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de son public, où qu'il soit aux quatre coins du territoire.