La mamie du rai a fêté la sortie de son nouvel album le 2 décembre dernier, au cabaret Sauvage, en France. La mamie du rai s'est forgé un nom et une solide réputation dans les grandes capitales mondiales ; Cheikha Rimiti a sorti le 28 novembre dernier un nouvel album intitulé N'ta goudami, dans le prolongement de Nouar, sorti en 2000. L'ambassadrice du rai, infatigable, fera encore parler d'elle après avoir sillonné la planète (New York, Paris, Londres, Amsterdam, Stockholm, Genève, Madrid, Milan, Berlin, le Caire...), elle recevra en 2000, le grand prix du disque de l'Académie Charles Gros, une distinction honirifique qui fait asseoir sa notoriété et lui offre enfin la reconnaissance des professionnels. Et pourtant, elle n'aura pas attendu cette récompense pour travailler d'arrache-pied et continuer à produire inlassablement. C'est que la musique est pour elle véritablement sa vie et à l'image de sa vie, sa carrière n'a pas été toute rose, du moins au tout début, puisqu'elle en a vu de toutes les couleurs. Née le 8 mai 1923 à Tessala, village près de Sidi Bel-Abbès, elle entamera sa carrière artistique dans sa région natale durant les années 1942/1945 qui furent marquées par le malheur, notamment la disette et une terrible épidémie de typhus. Elle avait commencé à chanter aux côtés de cheikh Hamada et cheikh Adda Tiareti. Ce n'est qu'à Oran que son nom d'artiste arriva. Heureuse que les Français apprécient sa voix, elle enchaînera les tournées d'alcool alors qu'elle ne sait pas parler en français, mais plutôt en chantant «Ah madame Rimiti, ah madame Rimiti» qui veut dire remettez une tournée. De là à l'explosion de sa renommée il y a qu'un pas qu'elle traversera tout doucement mais sûrement, en continuant à tomber mais de se relever quand même. Analphabète et orpheline, elle fut malmenée par la vie, y compris par ses musiciens. Si ses chansons dérangent les âmes prudes, elles trouvèrent écho chez les êtres marginalisés a fortiori pendant la colonisation. Ses chansons reflétaient la quotidienneté, la malvie mais aussi l'amour, les déchirements... Cheikha Rimiti sans renier son passé fait de souffrance et de légèreté, et de marché noir, affirma un jour: «L'art m'a sorti du malheur». Installée depuis les années 70 en France, l'ambassadrice du rai plus connue par ses tubes Charak, gatâ, Ghrast El Nakhla, ou encore la fameuse La Kamel devenue célèbre grâce aux nouveaux arrangements de Safy Boutella, avait pourtant choisi un petit hôtel modeste pour vivre. Son parcours est jalonné de concerts, tournées et enregistrements, ce qui semble de prime abord aux antipodes de cette femme et ses principales occupations. Un paradoxe chèrement payé mais conscient. «J'avais suivi les gens de la musique pour gagner mon pain. Ils me donnaient à manger, de l'argent, un lieu où dormir. Ils ne m'ont jamais frappée, engueulée ou pris mon argent. Grâce à Dieu, ils m'ont toujours protégée». Aussi, l'on comprend que Rimiti chantait au départ par nécessité. Mais cela deviendra bien vite une vocation vu les potentialités certaines dont elle était pourvue. Une star était née, à son insu. Et elle continue à briller. C'est ainsi que les étoiles apparaissent comme par magie. Dernière de la lignée des cheikhate après le décès d'El Djenia l'été dernier, cheikha Rimiti est une des rares artistes qui aura tenu le flambeau haut jusqu'au bout en continuant à traverser le temps sans que ce dernier ne l'affecte. Agée de plus de 80 ans, cheikha Rimiti altière continue à chanter et à suivre l'air du temps. Elle a fait d'ailleurs sensation l'an dernier sur la compil Rai n'b fever en donnant à écouter un superbe titre toujours plus entraînant, mélangeant techno au son du baroud, el gasba et el guellal. De la créativité, de l'originalité et surtout de l'étonnement. Grand respect pour la mamie du rai!