Ighilahriz a indiqué que le rôle de la femme dans ces manifestations était grandiose. La célébration des manifestations du 11 décembre 1960 intervient alors que la polémique sur la loi française glorifiant le colonialisme fait rage. La férocité de la répression des manifestations à Alger et partout à travers le pays, rappellent en effet combien le colonialisme a été horrible pour les peuples qui l'ont subi. Mme Louisette Ighilahriz, qui a vécu dans sa chair les atrocités de l'armée française, n'a pour seule réaction en ce jour-souvenir une simple phrase qui, sortie de sa bouche, prend toute sa signification. «C'est honteux», a-t-elle lancé hier à la cérémonie commémorative des événements du 11 décembre 60 organisée par l'association Mechaâl Echahid. «La loi du 23 février est inacceptable et inadmissible. Celui qui oublie ses racines et l'histoire de son pays n'est pas un homme», a-t-elle poursuivi. Le lycée Hassiba Ben Bouali d'Alger, qui a abrité la rencontre, a été témoin de l'indignation d'une moudjahida qui ne va pas par quatre chemins pour affirmer qu'il n'est pas possible qu'en 2005, on puisse glorifier et positiver les méfaits du colonialisme. Notons que le rejet par l'Assemblée nationale française de l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février, qui fait l'apologie du colonialisme, a soulevé un tollé dans les deux rives de la Méditerranée. Historiens, partis politiques, et société civile ont dénoncé l'attitude des parlementaires français. S'agissant des événements du 11 décembre 1960, Mme Ighilahriz a indiqué que le rôle de la femme dans ces manifestations était déterminant. «La majorité des femmes étaient au- devant de la scène dans ces manifestations. Leurs seules armes étaient les youyous et les drapeaux», a-t-elle déclaré en s'adressant aux dizaines d'étudiants qui assistaient à son intervention. Elle a témoigné qu'elle était parmi les 60 femmes qui ont été emprisonnées ce jour-là. Le professeur Amar Arkhila, historien, révèlera de son côté que 3 femmes ont péri durant ces manifestations. «Il faut savoir que la femme algérienne à l'époque ne sortait pas. Mais ce jour-là, elle a défié toutes les traditions pour mettre en relief la détermination d'un peuple et sa prise de conscience à vouloir se libérer du joug du colonialisme», a-t-il déclaré. A une question relative aux causes et origines de ces manifestations, le professeur Arkhila a affirmé qu'au tout début, les marches des Algériens étaient spontanées. L'organisation et la canalisation des manifestations sont intervenues par la suite, a annoncé le conférencier. Tout a commencé, a-t-il raconté, le samedi 10 décembre lorsque un jeune Algérien a été victime d'une agression physique de la part des gendarmes français à hauteur du monoprix de Belcourt. Une bagarre s'ensuivit et quelques heures après, une grande manifestation surprit les ultras qui, pris de peur, se barricadèrent chez eux. Dans la même journée, l'effervescence a gagné d'autres quartiers, tels Ruisseau, Kouba, Clos-Salembier et la Casbah. Le jeune Farid Maghraoui (10 ans) au Clos-Salembier et la petite Salima Ouatik à Belcourt y laissèrent la vie. Le lendemain, la manifestation prit de l'ampleur. Bien organisée et encadrée par les militants de la Wilaya III et ceux de la Wilaya IV, arborant l'emblème national, la foule scandait «Algérie algérienne», «Algérie musulmane». Un acte d'une portée politique certaine qui a permis à l'Algérie d'avancer résolument vers son indépendance. Ces manifestations ont pu redonner un nouveau souffle à la Révolution dans les maquis, vu les grands moyens humains et matériels déployés par le colonisateur français, pour acculer les éléments de l'ALN, et ce, grâce à la solidarité manifestée par le peuple aux moudjahidine et grâce également à la reprise de plus belle des attentats au niveau des grandes villes, notamment la capitale, devenue zone 6 de la Wilaya IV. Pour le professeur Arkhila, cette manifestation a ouvert les portes aux militants algériens vers la victoire. La lutte fut encore longue, il y a eu encore deux années de résistance armée et beaucoup de sacrifices, et la répression se fit de plus en plus féroce, mais en ce 11 décembre, l'issue paraissait inéluctable. L'indépendance n'était, en fait, qu'une question de temps. L'orateur a, par ailleurs révélé, que le nombre de victimes annoncé par la presse étrangère, à l'époque, était de 800 entre morts et blessés. Les autorités françaises ont annoncé pour leur part 61 victimes dont 6 Français. 51 ans après, l'Algérie et la France n'ont pas encore soldé le passé, tellement ce dernier est lourd en injustice coloniale. Et la dernière agression en date est justement cette loi du 23 février qui consacre la «cécité» d'une partie de la droite française