Comme prévu, les élections générales du 30 janvier en Irak n'ont pas été marquées par une quelconque surprise. C'est même la chronique d'une victoire annoncée, celle de la communauté chiite, mais pas d'un raz de marée. Et là encore, il faudra attendre le détail du vote, c'est-à-dire par communauté, et par région, avant d'aller vers les sensibilités politiques, et cela est valable aussi bien pour les chiites que pour les Kurdes. Très globalement et selon les résultats annoncés officiellement hier par la Commission centrale électorale, la liste chiite parrainée par le grand ayatollah Ali Sistani a remporté les législatives irakiennes avec 48,1% des voix. La liste de l'Alliance unifiée irakienne a obtenu 4 075 291 voix sur 8 456 266 votants, selon les résultats définitifs annoncés par la commission. Elle est suivie par celle de l'Alliance kurde avec 2 175 551 votes, soit 25,7% des suffrages exprimés. La liste du Premier ministre sortant, Iyyad Allaoui, a obtenu 1 168 943 votes, soit 13,8% des voix. En termes de sièges, la liste chiite devrait en obtenir 132, 71 pour l'alliance, et 38 pour la liste de Iyad Allaoui. Quant au taux de participation à ces élections, il a atteint environ 59%, selon la même source. Selon les chiffres de la commission, 8 456 266 électeurs ont pris part au vote sur un nombre d'inscrits estimé à 14,2 millions. Les Irakiens, notamment les chiites et les Kurdes, ont voté le 30 janvier en dépit des menaces de groupes armés pour élire les 275 membres de l'Assemblée nationale constituante, et ceux de 18 conseils de province. Les Kurdes ont, en plus, voté pour désigner les 111 membres du Parlement de leur région autonome des trois Provinces du nord du pays. Il s'agit des premières élections depuis la chute de Saddam Hussein en 2003 et du premier scrutin multipartite depuis plus de 50 ans. Quelques heures avant l'annonce des résultats, des dizaines de Turcomans avaient manifesté dans le centre de Baghdad pour dénoncer des « fraudes électorales » dans le nord de l'Irak. Les manifestants se sont rassemblés devant l'une des entrées de la Zone verte, périmètre sécurisé du centre de Baghdad, où se trouvent les bureaux de la Commission électorale indépendante. Arborant des bannières bleu clair, couleur distinctive des Turcomans d'Irak, ils ont scandé des slogans hostiles à un système fédéral. Des centaines d'Arabes et de Turcomans ont manifesté vendredi dans la ville multiethnique de Kirkouk pour dénoncer des « fraudes » et demander un nouveau scrutin. Les Turcomans, qui vivent notamment dans le nord du pays, affirment représenter 13% des 27 millions d'Irakiens, mais selon le dernier recensement de 1977, ils ne représentaient que 2% de la population. Postes sensibles Alors que ces résultats étaient attendus, mais sans la surprise qui les accompagne parfois, le Premier ministre irakien sortant Iyad Allaoui a affirmé qu'il soutenait le souhait des chefs kurdes d'accéder à des postes présidentiels, à l'issue d'une réunion samedi avec l'un d'eux, Jalal Talabani. « En partant du principe de l'égalité entre tous les Irakiens, nous soutenons le souhait des kurdes d'accéder à tout poste (de pouvoir) en Irak », a déclaré M. Allaoui après sa rencontre avec le chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) à Souleimaniyah, ville du nord-est de l'Irak. Le Premier ministre s'était entretenu jeudi à Erbil (nord) avec le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), Massoud Barzani, qui s'était prononcé contre une monopolisation du pouvoir par l'une des communautés de l'Irak. L'avenir politique de l'Irak se dessinerait à grands traits surtout que les Etats-Unis ont dit leur préférence pour un Etat fédéral, et ce qu'il pensait de l'ayatollah Sistani. Mais rien n'est évident. Les batailles à venir s'annoncent rudes.