Haftar sûr de lui et dominateur En fin de compte, les cris d'alarme de Ghassan Salamé dont le Conseil de sécurité a donné le sentiment qu'ils sont inaudibles, confirment son reproche ultime. Ce sont les «divisions internationales» qui ont «encouragé» le maréchal Haftar et ses soutiens à lancer l'assaut. En deux semaines de combats acharnés, la Libye compte, depuis le 4 avril dernier 205 personnes tuées et 913 blessées, dont de nombreux civils parmi lesquels des femmes et des enfants ainsi que 25 000 déplacés selon le bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Après le bombardement sauvage de quartiers résidentiels de Tripoli par les forces de Khalifa Haftar, le bilan s'est, en effet, alourdi, provoquant la colère du Premier ministre Fayez al Serraj qui a interpellé la communauté internationale pour dénoncer le chef de l'Armée nationale libyenne autoproclamée comme «criminel de guerre» et presser la Cour pénale internationale (CPI) de lancer un mandat d'arrêt international à son encontre. Le parquet général de Tripoli a, d'ailleurs, lancé un mandat d'arrêt contre Haftar dont les combattants ont subi, jeudi soir, une attaque menée par une milice pro-GNA contre la base militaire de Tamenhant, au centre du pays, tuant quatre soldats. Cet incident vient étayer l'alerte lancée par l''émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, qui a mis en garde le Conseil de sécurité de l'ONU contre un «embrasement généralisé» en Libye, après l'offensive du maréchal Khalifa Haftar contre Tripoli, une offensive «encouragée», a-t-il dit, par les divisions internationales mais actuellement dans «l'impasse». Malgré cet avertissement effectué par vidéoconférence, le Conseil de sécurité s'est, une fois de plus, illustré par son incapacité à adopter une résolution claire, réclamant le cessez-le-feu aux belligérants. Pourtant, Ghassan Salamé n'a pas caché sa vive «inquiétude» sur la dangerosité de la situation qui risque, selon lui, d'aboutir à un «embrasement» dès lors que les bombardements de l'ANL visent désormais les habitants de Tripoli et que les combats «se rapprochent des zones résidentielles». Un état de fait qui va s'aggraver, dit-il, avec les nombreux témoignages selon lesquels «des renforts arrivant des deux côtés». Le projet de résolution soumis par le Royaume-Uni et demandant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combats est resté lettre morte du fait de l'opposition des Etats-Unis et de la Russie, pour des motifs évidemment différents. Moscou voit dans le maréchal Haftar l'opportunité d'un retour en force en Libye tandis que Washington prend en compte le soutien que lui accordent ses alliés saoudien, émirati et égyptien. Cela n'a pas empêché Tripoli de pointer du doigt le jeu ambivalent de la France, l'accusant ouvertement de parti pris en faveur de Haftar et de ses ambitions politiques. Quant à l'Italie, elle ne cache guère sa grande préoccupation et le président du Conseil Giuseppe Conte a averti que «la situation de chaos et de violence augmente fortement le risque d'une résurgence du phénomène terroriste, toujours présent en Libye. Le combat contre le terrorisme et le flux de combattants étrangers reste donc l'un des principaux défis pour le pays et toute la communauté internationale», a-t-il déclaré devant les députés italiens. En fin de compte, les cris d'alarme de Ghassan Salamé dont le Conseil de sécurité a donné le sentiment qu'ils sont inaudibles confirment son reproche ultime. Ce sont les «divisions internationales» qui ont «encouragé» le maréchal Haftar et ses soutiens à lancer l'assaut. «L'unité de la communauté internationale sur la Libye, a-t-il conclu, est une unité superficielle et de circonstances», alors que les calculs sont autres qui visent les intérêts économiques dans ce pays pétrolier. «Il y a des pays qui ont auparavant investi dans M. Haftar comme un champion de la lutte antiterroriste et il est vrai que M. Haftar a été actif à leurs yeux et a réussi à Benghazi, Derna (est), ou plus récemment dans le Sud, à neutraliser des cellules terroristes. Ils ne vont pas le lâcher maintenant, même s'ils ne sont pas d'accord avec son attaque sur Tripoli», a-t-il dit sans nommer de pays. Pour toutes ces raisons, le maréchal Haftar fait la sourde oreille aux appels plus ou moins formels, le «sommant» de mettre fin à son offensive contre Tripoli, tandis que le GNA de Fayez al Serraj conditionne toute reprise du processus politique à la proclamation du cessez-le-feu et au retrait de l'ANL sur les lignes antérieures au 4 avril dernier. Force est de constater que Haftar a atteint au moins un de ses objectifs: il a dynamité la Conférence nationale qui devait servir de socle au processus de réconciliation et conduire à des élections transparentes et honnêtes. Un processus qui l'empêchait, apparemment, de dormir tranquille.