Hier en France c'était la joie et le souvenir de la paix. En Algérie, c'était le souvenir de l'horreur et du recueillement à la mémoire de 45.000 de nos compatriotes tués le 8 mai 1945. Pourquoi et par qui? Des tentatives de falsification sont en cours... Sucré salé. Hier c'était le 8 mai. Une date. Une histoire. Dans une partie du monde, mais aussi en Algérie. Si à Paris, Londres et Bruxelles, ce jour-là, les gens sont sortis en masse célébrer avec joie la fin de la guerre mondiale et la paix retrouvée, chez nous à Sétif, Guelma et Kherrata, c'était la barbarie dans son aspect le plus abject avec son lot de sang et de larmes qui a fait 45.000 morts parmi les «indigènes», comme continuent à nous désigner, aujourd'hui encore, des pseudos journalistes et pseudos historiens qui se lancent dans des contrefaçons de notre histoire. Pour eux, il n'y a jamais eu 45.000 morts, mais «6 à 8000 morts» tout au plus. Comment en sont-ils arrivés à ce chiffre, ils ne le disent pas. Pour nous Algériens, il n'y a aucun risque de nous tromper, de 1830 à 1962, tous les crimes de masse, commis par l'armée française et les milices locales qui n'avaient de français que la nationalité récemment acquise, se chiffrent à des dizaines et des dizaines de millions d'Algériens assassinés. Pour une raison simple. Si comme l'avancent des chiffres de l'administration coloniale, la population musulmane en Algérie était de 5 millions en 1830, comment peut-on expliquer qu'après un siècle et demi, elle ne dépassait pas les 9 millions en 1962? Statistiquement, combien de temps faut-il à une population pour doubler? La réponse à cette question devrait suffire à démasquer tous les faussaires qui s'acharnent à dénaturer notre histoire. On peut aborder ce problème de comptabilité macabre autrement. En prenant les différentes résistances depuis l'Emir Abdelkader jusqu'à celle d'El Mokrani en passant par la révolte de Ouled Sidi Cheikh, les enfumades de populations entières, les déportations vers la Calédonie, ensuite le napalm, les tortures et les liquidations par tous moyens, qui voudrait faire le calcul? Pour ces mêmes pseudos journalistes et pseudos chercheurs, «c'est De Gaulle qui était au pouvoir, donc c'est lui le responsable». Ce qui semble être une affaire franco-française, nous est destinée de manière subliminale. De Gaulle était à la tête d'un gouvernement provisoire siégeant à Paris, les affaires «algériennes» lui échappaient comme le prouve l'opération «Torche» (ultras d'Alger) qui a préparé le débarquement américain à Alger dans l'ignorance la plus totale du pouvoir français. En témoigne aussi «l'Assemblée algérienne» sous la haute main des ultras d'Algérie et totalement indépendante du Parlement français. De plus, De Gaulle une fois averti des massacres de Sétif envoya une commission d'enquête dirigée par le général Paul Tubert. «La commission n'a pu commencer d'enquêter sur cette partie de sa mission (la répression. Ndlr)...la commission a reçu l'ordre de revenir à Alger alors qu'elle s'apprêtait a partir à Guelma...Elle ne sait donc pas comment la répression s'est exercée». C'était là des extraits du rapport officiel du général Tubert. Venir soutenir que les ultras d'Algérie n'étaient pas à la manoeuvre en mai 1945 contre l'Etat français, comme ils l'on été également d'ailleurs en 1958, c'est prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. Un autre fait mérite d'être relevé. Dans son rapport, Tubert affirme que «les décès n'ont pas été déclarés par les familles». Ce qui semble incontestable. On voit mal l'administration coloniale recevoir à la mairie les décès qu'elle a elle-même causés. Ceci d'une part, d'autre part, il faut savoir qu'une bonne partie de la population algérienne, notamment en zones rurales, n'était pas inscrite à l'état civil. De ce fait, il devient, pour le moins compliqué, de déclarer le décès de quelqu'un dont la naissance ne figure pas sur l'état civil. Pourquoi on vous dit cela? Il se trouve qu'un livre est paru en 2016 dans notre pays et voici ce qu'il a déclaré en août 2018: «Grâce à mon enquête (son livre, Ndlr) pour la première fois des victimes indigènes ont été nommées, ont eu une sépulture. Mon enquête met aussi en exergue le rôle d'une catégorie d'Européens qui se sont opposés aux exactions et aux bavures commises par l'armée». Notez que l'auteur, Kamel Beniaïche, se prétend journaliste algérien depuis l'âge de 37 ans, mais il utilise le mot «indigènes» pour désigner ses compatriotes. Notez aussi que selon lui, il y a eu de (bons) Européens (il voulait dire Français d'Algérie) qui se sont dressés contre les militaires français. C'est de la falsification de l'histoire dépourvue de la moindre intelligence. Nous vous promettons de revenir en détail sur cet ouvrage et son auteur. En attendant, il est plus que vital pour les Algériens que nous sommes de prendre en charge notre histoire, notre passé. Pour nous. Pour nos enfants. Et leurs enfants. Car plus le temps passe et plus les faits s'érodent et deviennent plus faciles à triturer. Ne laissons pas les générations futures sans mémoire. Ou pire, avec une fausse histoire! [email protected]