Lancé avant-hier, par Ahmed Taleb Ibrahimi, Rachid Benyellès et Ali Yahia Abdennour, l'appel pour une solution consensuelle à la crise, continue de susciter l'enthousiasme chez les partis, les personnalités et les universitaires. Mohamed Lahlou, sociologue: «La solution est dans un dialogue sincère» «Le moment est venu de prendre conscience de la réalité et de l'évidence des faits. La période de transition telle qu'elle a été envisagée avec l'ancien système et l'élection présidentielle du 4 juillet prochain ne constituent plus une solution viable et susceptible de conduire à une situation apaisée dans le pays. Les manifestations qui durent maintenant depuis trois mois l'ont assez démontré et ceux qui détiennent le pouvoir de décision, en l'occurrence l'Armée, doivent en prendre acte et accepter une nouvelle alternative, en mettant fin à un «accommodement» avec un système auquel le peuple n'accorde ni légalité ni légitimité. Un consensus vers une transition démocratique capable de conduire notre pays vers un Etat de droit constitue une décision historique et raisonnable, sauf à vouloir prendre le risque d'une confrontation annoncée, chaque nouveau vendredi, par de nouvelles crispations ou des dérapages et provocations. Seul un dialogue ouvert et sincère peut réellement constituer une solution pour mettre en place des dispositifs d'alternance acceptables, à la hauteur des exigences du peuple algérien et capables d'apaiser le climat politique, économique et social. Le dialogue constitue une voie royale et indispensable pour contourner un climat de tension vers lequel le pays peut être entraîné. Le dialogue doit impérativement tenir compte des expériences antérieures qui ont conduit à des impasses, pour s'inscrire dans une vision et une démarche en adéquation avec la réalité politique de ces semaines qui ont prouvé la maturité du peuple algérien et son génie créateur. Le mouvement populaire, les partis politiques de l'opposition et l'armée constituent des partenaires incontournables pour initier un débat et aboutir à un consensus capable de donner à l'Algérie un socle constitutionnel incontesté et incontestable. Cette étape constitue la deuxième révolution nationale de notre siècle et nous devons la réussir. Tarik Mira, personnalité nationale: «L'Appel vient de personnalités crédibles» L'une des vertus de ce texte est qu'il émane de trois personnalités que l'on ne peut pas soupçonner de vouloir s'imposer à l'opinion pour l'exercice du pouvoir en leur faveur. Leur âge en est la preuve. Ces personnalités, du moins pour deux d'entre elles, sont connues pour avoir été commun depuis longtemps, principalement contre Abdelaziz Bouteflika. Elles n'ont pas cessé d'avertir, chacune à sa façon, les méfaits du règne du chef de l'Etat sortant. Quant à Ali Yahia Abdennour, il n'a pas cessé de guerroyer contre le système depuis des lustres. Ces personnalités peuvent, à juste titre, s'enorgueillir de voir l'honneur de la nation souillé puis ressuscité par un soulèvement civique et citoyen inédit et même inespéré. Elles sont, de par leur position, habilitées à jouer les missi dominici entre l'opposition au sens large et le pouvoir pour aller vers une sortie de crise et bâtir pour le futur un «Etat de droit et démocratique». Abdeslam Ali Rachedi, ancien ministre: «Une solution consensuelle nous renvoie au populisme» La solution n'en est pas une, justement parce qu'elle se veut consensuelle. Depuis l'indépendance, l'Algérie vit dans un régime populiste, nationaliste et islamiste, et par conséquent un régime autoritaire. La légitimité populiste, appelée aussi légitimité révolutionnaire ou historique, est le véritable ciment du régime, l'élection n'étant qu'une mise en scène destinée à donner l'illusion d'une légitimité démocratique, au besoin par le recours à la fraude. Dire une solution consensuelle, c'est se situer encore dans le populisme. En démocratie, il y a reconnaissance du pluralisme, débats et votes. Parfois, on noue des compromis, mais on ne parle pas de consensus, destiné à masquer la réalité. Les trois personnalités ayant lancé l'Appel sont toutes trois, très honorables et sincères dans leur démarche, mais elles s'inscrivent dans la continuité du système. Quant à la transition, si on veut reproduire celle qui avait été mise en place en 1992, on sait à quoi elle a abouti: à une normalisation autoritaire. C'est pourquoi, il convient d'être clair et préciser «transition vers la démocratie» pour éviter la confusion avec le schéma de 1992. Si l'on est bien dans une transition vers la démocratie, on n'a alors même pas besoin de dialoguer et le Mouvement populaire l'a très bien compris avec son «système dégage».