L'institution militaire ne fait rien d'autre que donner du sens à l'article 28 de la Constitution L'armée agit en acteur institutionnel majeur. Cela l'amène à rappeler l'importance de ne pas sortir du cadre institutionnel. Dans les deux derniers discours du chef de son état-major, l'ANP a mis en évidence son aspiration à une sortie de crise, reposant sur l'adhésion de l'ensemble de la communauté nationale. En appelant les élites de la nation au dialogue, tout en renouvelant l'absence de toute ambition politique de l'institution militaire, Ahmed Gaïd Salah a mis en avant le rôle de l'institution militaire, missionnée par le peuple algérien et la Constitution à veiller sur la stabilité du pays. Ceux qui conditionnent la lecture de l'article 28 de la Constitution par un état de guerre, feignent d'oublier qu'une guerre ça s'évite par le dialogue et le respect des institutions de la République. L'ANP invoquait cet article, dans l'objectif d'éviter l'effondrement de l'Etat. Dans l'optique de l'armée, sortir de la légalité constitutionnelle, c'est justement jeter le pays dans la gueule du loup. Par son insistance à rester dans les limites que lui a tracé la Loi fondamentale du pays, l'institution militaire ne fait rien d'autre que donner du sens à l'article 28 de la Constitution, en évitant un basculement dans une situation de grande dérive sécuritaire. Cette démarche suppose, bien entendu, une réelle volonté de ne pas se mêler de politique. A ce propos et à voir la posture de l'armée depuis l'avènement de la première marche populaire, force est de constater un réel souci de l'état-major de ne jamais paraître en tant que «belligérant» politique. L'armée agit en acteur institutionnel majeur. Cela l'amène à rappeler l'importance de ne pas sortir du cadre institutionnel. C'est l'explication à donner aux propos du général de corps d'armée, lorsqu'il affirme: «Nous n'avons aucune ambition politique (...) notre aspiration majeure est de servir notre pays et notre Armée, conformément à nos missions constitutionnelles, et c'est là une position dont nous ne dévierons jamais.» C'est très clair. L'ANP, contrairement à ce que rapportent certains cercles, n'est pas l'empêcheuse de tourner en rond ni un obstacle à la solution. Sa position est strictement conforme à ses missions et c'est à ceux qui voudraient la voir changer de posture, de lui ramener la preuve de l'utilité de sortir de la Constitution. La vision de l'armée est donc tout à fait recevable. En refusant la transition, alors que des institutions de la République habilitées à solutionner la crise existent, elle tient la route. Le refus obstiné d'ouvrir le dialogue avec les représentants intérimaires de l'Etat, brandi par l'opposition, doit être justifié, non pas par une attitude «revancharde», mais à travers un exposé rationnel et rassurant quant à la pérennité de l'Etat. A ce jour, l'armée n'a pas été destinataire d'un plan de sortie de crise, susceptible de constituer un document consensuel et «parrainé» par le peuple. La seule institution véritablement cohérente et qui bénéficie du respect de toute la société se trouve être l'armée qui n'a visiblement pas l'intention de laisser des «apprentis magiciens» triturer inconsciemment la Constitution et faire plonger le pays dans une période de transition, dont on ne peut pas deviner les conséquences. Mais cette position ferme de l'armée qui consiste à refuser l'option d'une transition hors Constitution ne reflète aucunement une rigidité dans son positionnement. Et pour cause, dans son allocution, Ahmed Gaïd Salah a dit à propos du dialogue que «les personnalités et les élites nationales, fidèles à la nation et à son intérêt suprême sacré, doivent (y) participer». L'idée n'est donc pas de tourner le dos à la société, mais de l'inviter à «imaginer» une démarche qui préserve la constitutionnalité de la solution à la crise. Et comme pour renforcer cette vision des choses, le premier responsable de l'institution militaire soutient que «notre confiance en notre peuple est grande (dans) des fils de notre patrie, lorsqu'ils présenteront leurs propositions constructives comme le requiert le noble devoir national». Cette grande disponibilité de l'ANP peut parfaitement tenir lieu de gage très sérieux pour une sortie de crise, à la seule condition, pour l'ensemble des acteurs politiques appelés à dialoguer, de garder en tête, l'impératif de «la tenue de la prochaine élection dans les plus brefs délais possible, loin (...) de périodes de transition aux conséquences incertaines». Aux élites de trouver «l'adjuvant» politique convaincant pour éviter un saut dans le vide, lors d'un dialogue «duquel il sera question de concessions réciproques pour le bien du pays», comme le soutient Ahmed Gaïd Salah. La balle n'est pas dans le camp de l'armée, ni dans celui du Hirak, mais entre les mains des politiques...