Toujours les mêmes revendications La rue a donné une fin de non-recevoir à l'appel du président de l'Etat. Son discours a «boosté» le Hirak au lieu de le calmer. «Antouma matahachmouche, hna manhabsouche» (Vous vous n'avez pas honte, et nous on n'en a pas marre de manifester). C'est sous ce nouveau slogan que les Algérois ont tenu à commencer l'acte XVI des manifestations contre le système. Un message des plus forts du fait qu'il intervient au lendemain de la fête de l'Aïd où les habitants de la capitale sont censés l'avoir «désertée» pour rejoindre la campagne en ce long week-end de fête. Une démobilisation pour ce 16e vendredi paraissait donc inévitable sauf que...le discours de Abdelkader Bensalah a remobilisé les troupes. En effet, malgré l'Aïd, la chaleur et les barrages qui ont bloqué la route et refoulé des manifestants, les rues d' «El Bahdja» étaient noires de monde. «Le discours du président de l'Etat est une véritable provocation. Il méprise des millions d'Algériens qui sortent depuis trois mois et demi pour réclamer le changement», peste Rabea, une mère de famille accompagnée de son mari et de ses trois filles. «On hésitait encore si on allait marcher ce week-end, mais avec la bombe que l'on nous a lâchée au JT de 20h cela devenait inévitable», a assuré cette famille qui a décidé de rentrer de nuit du «bled» pour répondre à Bensalah. Bensalah en tête d'affiche... Le discours du président de l'Etat semble avoir eu l'effet inverse. Au lieu de calmer la rue, il l'a «boostée»! D'ailleurs, après avoir perdu «l'affiche» durant le mois de Ramadhan, l'intérimaire d'El Mouradia est revenu au-devant de la scène. Dès le début de la matinée, les slogans qui lui sont hostiles ont commencé avec les premiers manifestants. Plus la foule grandissait, plus les «Bensalah dégage» prenaient de l'ampleur. Comme ici à la rue Didouche-Mourad où un groupe de jeunes s'était rassemblé pour débattre des propositions faites par les représentants du pouvoir lors du discours à la nation qui a été prononcé la veille. Ces jeunes, qui attendaient la démission de celui dont la fin de mission est censée se finir le 9 juillet prochain, étaient déçus. «La seule chose à retenir de ce discours, ce sont les voeux de l'Aïd prononcés par un président qui...parle», ironise l'un d'eux avant que sa voix ne soit couverte par les «Pas de dialogue avec Bensalah» et «pouvoir assassin». Un raz-de-marée humain vient d'arriver sur cette rue mythique de la capitale avec une réponse des plus claires. Les Algériens refusent de dialoguer tant que les «3B» (Le président Bensalah, son Premier ministre Bedoui et le président de l'APN Bouchareb) sont toujours en poste. Les «makache mouchawarate maâ el isaba» (Pas de dialogue avec la bande mafieuse) fusaient d'ailleurs de partout. Les manifestants n'omettaient pas de rappeler qu'ils considéraient les «3B» comme les représentants de la «isaba» (bande mafieuse). «Pas de dialogue» La rue a également rappelé son refus de la tenue d'une élection présidentielle sous la conduite de ceux qu'elle surnomme les «enfants de Bouteflika». «Makache intikabate maâ el isaba» (Pas de dialogue avec la bande mafieuse) ont aussi été ressortis pour l'occasion. Les marcheurs promettent de réserver le même sort que l'élection du 4 juillet à toutes celles que Bensalah organisera. «Organisez 100 élections si vous voulez, nous on continuera a marcher», soutenait une foule en délire. Les «maranache habsine» suivaient. «Où sont les articles 7 et 8?» La rue a également exprimé son refus de voir le président de l'Etat prolonger son mandat. «On lui demande de partir, lui nous annonce la prolongation», peste un groupe qui réclame l'application immédiate des articles 7 et 8 de la Constitution. «Le pouvoir au peuple. C'est à nous de décider, on veut un vrai gouvernement de transition et des personnalités neutres pour assurer cette transition.» Ils ont ainsi rappelé au chef d'état-major de l'anp, vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaid Salah, ses engagements à appliquer ces articles. La rue lui réclame une «intervention» rapide. Des appels qui se sont fait entendre plusieurs fois durant les «manifs» de ce vendredi. Néanmoins, les Algériens insistaient sur le caractère civil de la République algérienne. «Dawla madaniya, machi aâskariya» (République civile et non militaire) faisaient partie des revendications de la journée comme d'ailleurs depuis plusieurs semaines. Le peuple insiste sur le fait que nous «sommes dans une République, pas dans une caserne». Les «Djoumhouria machi caserna», étaient ainsi scandés en choeur au même titre que l'hymne national et les chansons du Hirak. Plus le temps passe, plus la foule grossit et plus l'ambiance est belle. Aux environs de 15h, la Blanche est recouverte de monde aux couleurs de l'emblème national. La mobilisation est donc intacte au même titre que l'esprit «silmya» (pacifique) du Hirak. Pour la 16e semaine d'affilée, des millions de personnes étaient dans les rues sans heurts ni peur. Mieux encore, les marques de solidarité et de civisme étaient au rendez-vous. Comme ces familles qui distribuaient aux «hirakiens» les traditionnels gâteaux de l'Aïd pour faire de cette fête celle du changement. Les mêmes images, avec les mêmes slogans et la même détermination étaient perceptibles dans les quatre coins du pays. Le peuple a encore prouvé qu'il ne lâchera rien jusqu'à ce qu'Irouhou gaâ»...