La justice s'est donné un nouveau visage. Avec la nomination, hier, de Belkacem Zeghmati à la tête de ce secteur, en remplacement de Slimane Brahmi, une nouvelle page s'ouvre. Le magistrat qui a connu la gloire, la chute et puis le retour en grâce, est célèbre en Algérie. Belkacem Zeghmati est celui qui a créé la grande surprise en annonçant, lors d'une conférence de presse en août 2013, le lancement de mandats d'arrêt internationaux contre l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, sa femme et ses deux enfants. Mais cette annonce va lui coûter une traversée du désert. Certes, courte, mais pénible puisque l'homme sera marginalisé, sanctionné, limogé. Ce n'est que le 16 mai dernier que Zeghmati, nommé à nouveau au poste de procureur général de la cour d'Alger, sera réhabilité. Hier, il a fait un pas de géant qui l'a propulsé du Ruisseau à El Biar, là où se trouve le siège du ministère de la Justice. La nomination du procureur général au poste de ministre de la Justice n'est pas, en soi, une surprise. Belkacem Zeghmati est connu pour sa compétence, son sens de la discipline et d'organisation et sa probité morale. Il est aussi réputé pour sa maîtrise des grands dossiers de corruption, notamment Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest. Dans le contexte actuel, marqué par l'ouverture des enquêtes sur les scandales financiers, le choix de l'homme tombe à point nommé. Cependant, cette nomination intervient au lendemain d'une grande confusion dans le fonctionnement de la justice. Puisque, faut-il le rappeler, l'ex ministre de la Culture, Khalida Toumi, a apporté, en fin de journée, un démenti cinglant aux propos prononcés dans la matinée, par le procureur de la République près le tribunal de Tlemcen. Ce dernier, citant le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed a affirmé que Khalida Toumi n'a pas été auditionnée, car elle se trouvait en France. L'ex-ministre n'a pas juste confirmé sa présence à Alger, mais a aussi précisé qu'elle n'avait pas quitté le pays depuis un an. Ce qui pousse à s'interroger donc sur les informations qui ont été communiquées au procureur de Tlemcen. S'agit-il d'une confusion ? un travail bâclé ou d'une complicité à un quelconque niveau ? La nomination de Belkacem Zeghmati coïncide également avec l'ouverture d'un lourd dossier de corruption, celui de l'ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh. Ce dernier fait l'objet d'une Istn (interdiction de sortie du territoire national) et sera bientôt auditionné dans le cadre de l'enquête préliminaire ordonnée, il y a une dizaine de jours, par Zeghmati même. L'ex-garde des Sceaux sera entendu par les enquêteurs de l'Office central de prévention et de lutte contre la corruption (Ocplc). Le choix des enquêteurs de l'office vise, en fait, à éviter à l'accusé d'être confronté à d'anciens subordonnés, surtout que les rumeurs font état d'une grande influence et de forts liens que garderait Tayeb Louh au sein de l'appareil judiciaire. L'étroite relation de ce dernier avec l'ex-patron de la gendarmerie, dernièrement limogé, a également été révélée par la presse laissant entendre que les «deux amis» en unissant leurs forces, étaient devenus très influents. Une situation qui annonce donc de prochains changements. D'ailleurs, hier, il n'y a pas eu que la nomination de Zeghmati, mais aussi celle de Mohamed Zoughar en qualité de secrétaire général du ministère de la Justice. Ce dernier a remplacé Samir Bourehil, dont il a été mis fin à ses fonctions. Même si Tayeb Louh ne va être entendu actuellement que sur la conclusion douteuse d'un marché des bracelets électroniques, une attache sera peut-être trouvée avec les grands scandales qui viennent d'être déterrés et renvoyés devant les tribunaux à savoir Sonatrach, Khalifa et l'autoroute Est-Ouest. A l'époque des premiers procès, la justice n'a eu à condamner que des seconds couteaux et il n'est pas exclu que les responsables qui ont été, par le passé, épargnés, défilent devant le juge. Avec le retour en force de Belkacem Zeghmati, il est donc attendu à ce qu'un vrai coup de pied soit donné dans la fourmilière.