Au lieu de s'intéresser à l'aspect culturel, les éditeurs étrangers se reconvertissent en commerçants. Le salon international du livre d'Alger (Sila) est menacé. La primauté de l'aspect commercial sur le culturel risque d'éliminer ce rendez-vous de l'agenda des activités culturelles internationales. Cette sérieuse menace qui plane a été évoquée par les éditeurs, écrivains et journalistes ayant pris part à la rencontre organisée avant-hier à la librairie internationale Chihab, sise à Bab El Oued, à Alger. «A une semaine de l'ouverture du dernier Sila, les participants ne parlaient que de leurs conteneurs qui tardent à arriver ou qui sont carrément bloqués au niveau du port d'Alger», a indiqué le journaliste Mohamed Baghali. «Les maisons d'édition étrangères n'envoient que leurs représentants commerciaux. Franchement, ce n'est plus un salon mais une foire du livre», a-t-il déploré encore. L'universitaire, écrivain et journaliste, Rachid Mokhtari a, quant à lui, parlé de «l'inconvénient de mettre en deux blocs différents les maisons d'édition arabes et occidentales.» «Pourtant, poursuit-il, le Salon du livre d'Alger est pratiquement l'unique point de rencontre des éditeurs venus des quatre coins de la planète» En outre, les publications, la littérature et leurs relations avec les médias durant l'année 2005 ont aussi été au menu de cette rencontre littéraire. «Ces derniers temps, notamment l'an dernier, ont vu l'émergence d'un certain nombre d'auteurs prolifiques abordant de nouvelles thématiques», a indiqué l'écrivain et journaliste Rachid Mokhtari citant comme exemple Noureddine Saâdi dont l'oeuvre La nuit des origines apporte «une forme esthétique originale» et «dans laquelle les dialogues sont fondus dans le corps narratif du texte.» «Un romancier, au contraire de l'essayiste, doit être un producteur d'émotions et non d'idées», a affirmé l'orateur lors de cette rencontre au siège des éditions Chihab, expliquant que dans le roman, «ce qui est important, ce n'est pas de renouveler la force thématique, mais d'apporter une originalité dans les formes esthétiques.» «Un romancier est un artiste et non un intellectuel. Il écrit l'actualité non pas telle qu'elle est, mais telle qu'il la ressent.», a ajouté Mokhtari, déplorant que certains romans soient passés inaperçus par la presse. En ce sens, l'intervenant a néanmoins indiqué que les relations entre les éditeurs et la presse doivent être plus étoffées afin d'assurer une meilleure promotion du livre. Pour sa part, Djamel Challal, des éditions Enag, a évoqué le marché du livre qui, selon lui, a connu durant l'année 2005 «une certaine stagnation» après l'embellie des années 2000 à 2003, tout en précisant, cependant, que le métier du livre «a acquis une maturité». L'orateur, qui a mis en exergue l'amélioration de la qualité des ouvrages, a indiqué que le nombre d'éditeurs a baissé tout en rendant hommage à «ceux qui ont investi et continuent d'investir dans ce créneau, malgré les difficultés et la rentabilité minime par rapport à d'autres secteurs d'activité.» Par ailleurs, cette rencontre a été une occasion propice pour rendre un hommage appuyé à deux écrivains ayant marqué la scène littéraire nationale, Najia Abeer et Sadek Aissat.