La revalorisation salariale s'avère indispensable, une affaire censée être discutée dans le cadre de la tripartite. C'est le grand branle-bas de l'hiver: le front social risque d'exploser, avertissent le MSP, le PT et le FFS, trois formations politiques qui ont pressenti un réel malaise en décortiquant le ras-le-bol témoigné sur plusieurs fronts. Les écoles ont été paralysées pendant deux jours par cinq syndicats autonomes et la grogne n'en est pas pour autant enterrée, les universités connaîtront probablement le même sort le 24 du mois en cours à la suite d'un appel au débrayage lancé par le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes), les retraités de l'éducation tiendront demain leur assemblée générale, perçue sous un nuage de colère et la fièvre monte pour atteindre la santé et la famille des vétérinaires fonctionnaires de l'administration publique qui ont opté, vendredi, pour le retour à la protestation dès le mois prochain. Cette escarmouche est le signe d'une hystérie réelle dans les rangs de la société. A Tindouf (2000 km d'Alger), le ton était à l'indignation, la fin de la semaine dernière, et la rue a été investie pour faire entendre le mécontentement de la population locale. La trêve sociale à laquelle a appelé récemment la direction nationale de l'Ugta ne semble pas être prise en considération par certaines fédérations à l'instar de celle des retraités de l'éducation ainsi que l'Union nationale des professeurs de l'éducation et de la formation (Unpef). Quant aux organisations autonomes, celles-ci, nonobstant une non-reconnaissance de la part des pouvoirs publics, espèrent toujours d'être reçues autour d'une table de négociations. «C'est la seule solution», pense le Cnapest (Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique). Face au temps qui file, à l'aube d'une tripartite qui, le moins qu'on puisse dire, est livrée aux prévisions et aux spéculations, les travailleurs exigent d'ores et déjà des comptes. Plutôt, «d'être écoutés» aussi. Ainsi, les syndicalistes, se réclamant représentants «infaillibles» des travailleurs, veulent «aller plus loin» dans leur protestation. La guéguerre est bel et bien ouverte, à droite comme à gauche. Mais comment désamorcer la grogne? A l'Education nationale, un dialogue a été lancé uniquement avec deux syndicats à savoir, le Syndicat national des travailleurs de l'éducation (Snte) et l'Unpef. Les syndicalistes de l'Unpef ont quitté, rappelons-le, la table des négociations avec fracas. Pas de dialogue sans les autres organisations, réclamait l'Unpef qui s'est mis dans la peau du défenseur de l'esprit de groupe. L'atmosphère est à couleur grisaille après les mises en garde de la tutelle et risque de s'enliser. Car, les enseignants protestataires ne décident pas encore de ranger la hache de guerre. C'est le cas aussi chez la corporation des professeurs de l'université. Le département de Rachid Harraoubia, après l'annonce de la grève du Cnes prévue pour le 24 janvier, n'est pas aux anges. Il y a un risque d'aller plus loin encore. Les professeurs du supérieur tablent sur un débrayage national d'une semaine après celui prévu pour mardi. Un préavis de grève sera déposé «une fois la décision finale d'organisation du débrayage adoptée», annonça le Cnes comme pour tenter de secouer l'instance de Harraoubia, accusée de faire la sourde oreille. «Les tentatives de régler cette situation avec la tutelle étaient vaines. Nous avons demandé une rencontre avec le ministre depuis 15 jours mais nous n'avons eu aucune réponse», se justifie, sans cesse, Ali Boukaroura, secrétaire général dudit syndicat. Le vent ne joue plus en faveur de la tutelle notamment après la position prise par l'Association nationale des professeurs et maîtres de conférence (Anpmc). Laquelle organisation a décidé de soutenir le Cnes et reconnaît dans le sillage le bien-fondé de son action. De ce fait, l'Anpmc a fait appel à ses adhérents, professeurs et maîtres de conférence, à se joindre «massivement» au mouvement décidé par le Cnes. D'autres indices, à l'instar de la colère des vétérinaires, des douaniers et des retraités de l'éducation, montrent que le malaise, une réalité méprisée, gagne encore du terrain. Tous mettent en relief surtout l'indispensable revalorisation salariale, une affaire censée être discutée dans le cadre de la tripartite. Une revendication défendue à cor et à cri, mais qui traîne encore dans les tiroirs de la centrale syndicale. Mais l'Ugta est-elle vraiment en mesure de relancer cette revendication lors de la prochaine tripartite? La question demeure encore posée. Selon une source proche de la maison de Sidi-Saïd, l'Ugta fera une suggestion qui parle d'un Smig à hauteur de 20.000 DA, même si les résultats d'une étude menée sur la possibilité d'une révision à la hausse du Snmg parlaient de 25.000 DA. Ce n'est toujours qu'une hypothèse, sachant que la crédibilité de l'Ugta, aux yeux des travailleurs, est liée à ses capacités d'arracher une augmentation salariale. Il faudrait toujours prendre en compte le risque d'une retombée défavorable pour le Trésor public, la fameuse condition posée par le gouvernement. L'équation n'est pas simple et les travailleurs, tous secteurs confondus, ne sont pas, semble-t-il, prêts à abandonner facilement la requête. L'ouverture d'un vrai débat sur cette question s'impose. La réclamation ne date pas d'aujourd'hui.