Les grandes démocraties utilisent les méthodes des «Etats voyous». Le président français, Jacques Chirac, a fait une déclaration digne des films westerns. «Les dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposeraient à une réponse ferme et adaptée de notre part. Cette réponse peut être conventionnelle, elle peut aussi être d'une autre nature», dit-il. Il précise son idée: «La dissuasion nucléaire (...) n'est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques» appartenant à des organisations terroristes mais aux «dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous» et «ceux qui envisageraient d'utiliser (...) des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposeraient à une réponse ferme et adaptée de notre part». Le président Chirac a fait cette déclaration jeudi lors d'une visite à la base opérationnelle nucléaire française à l'Ile-Longue, près de Brest (Finistère), devant des équipages des sous-marins nucléaires. Le lendemain, le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, déclare que l'Iran est «une inquiétude majeure pour nous aujourd'hui» car il affiche «des intentions extrêmement belliqueuses». Comme il juge inconcevable «qu'un Etat qui ne respecte pas le jeu de la communauté internationale cherche à acquérir l'arme nucléaire à l'encontre de tous les traités internationaux». Mais il reconnaît qu'il était «difficile de démontrer qu'effectivement ces Etats pratiquent le terrorisme comme moyen ordinaire de régler les problèmes». Rappelons que la France avait refusé de signer les conventions internationales et opéré deux essais nucléaires près des îles de Mururoa, dans le Pacifique, en 1998, contre la volonté internationale. Ces deux essais lui ont permis de procéder, par la suite, à la continuation des recherches nucléaires virtuelles et marquer un grand coup dans la stratégie de dissuasion. L'Iran a rappelé, à juste titre, aux Français, le génocide algérien, dont souffrent encore des innocents. Rappelons que deux autres essais, les premiers, ont été effectués en Algérie (Reggane et Oued Namous) en 1961. Les méfaits continuent, à ce jour, de faire des ravages sur des gens innocents, sur la faune et sur la flore. A l'orée de la signature du traité de paix avec la France, pareilles déclarations nous interpellent en premier lieu. N'est-il pas temps de demander des excuses officielles et des réparations morales à ce génocide? Le président du Parlement iranien, Gholam Ali Hadad Adel, a indiqué hier : «On peut penser que le président français a tenu ces propos pour tenter de réhabiliter le prestige de la France dans le monde après les récents troubles (...) où des jeunes exacerbés par l'injustice et la violation des droits de l'Homme étaient descendus dans la rue et brûlaient des centaines de voitures (...) C'est une honte pour le peuple français que son président dise qu'il utilisera l'arme atomique sous prétexte de lutter contre le terrorisme».Le porte-parole des affaires étrangères iranien a déclaré de son côté que les propos de Chirac sont «inacceptables et injustifiables». La France qui avait fait de l'opposition aux menées guerrières de Bush, quand il avait envisagé d'occuper l'Irak, sans recours à la légalité internationale, semble avoir franchi le Rubicon en menaçant d'user de la bombe nucléaire contre l'Iran. Voilà une déclaration qui plaira à Bush et encouragera d'autres «Etats voyous» à en faire autant. Le ministre de la Défense israélien a aussitôt sauté sur l'occasion pour proférer des menaces similaires contre l'Iran. Lorsque le chef d'état-major français use de la formule «inquiétude majeure pour nous», on est en droit de se demander où se situerait la France. Vu la gravité des propos, on serait tenté de relever la confusion. L'Iran avait soulevé la politique du deux poids, deux mesures en citant le cas d'Israël mais n'a, en aucune manière, menacé la France. Bien au contraire, l'Iran continue de croire à l'arbitrage de l'UE, dont la France représente le pivot, dans le conflit qui l'oppose aux USA. Les négociations avec la commission de l'UE ont été interrompues pendant que les USA, par la voix de Rice, continuent d'exercer la pression sur la communauté internationale en vue d'amener le Conseil de sécurité à voter une résolution sanctionnant l'Iran. Londres, Paris et Berlin ont appelé à une réunion d'urgence de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), le 2 février, après la reprise le 10 janvier par Téhéran de ses activités de recherche en matière d'enrichissement d'uranium, pour renvoyer le dossier iranien au Conseil de sécurité de l'ONU, indiquent les agences de presse. Rappelons que la Russie avait proposé à l'Iran d'effectuer l'enrichissement de l'uranium dans ses propres laboratoires. La sortie médiatique du président Chirac donne des indications intéressantes. Rappelons que ce pays consacre 10% de son budget de défense à la «dissuasion nucléaire», ce qui représente 3,3 milliards d'euros. Chirac juge que le nucléaire constitue «un élément incontournable de la sécurité du continent européen» et estime que l'Europe devra, «le moment venu», se poser «la question d'une défense européenne commune qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité». Le message rassurant est donc destiné aux Européens... Un nouveau gendarme vient de naître au coeur même de la «vieille Europe».