L'Instance supérieure chargée d'organiser les élections en Tunisie (ISIE) a confirmé hier que le 2è tour de la présidentielle aura bien lieu le 13 octobre, malgré les appels à ajourner ou retarder le scrutin, comme l'a demandé le parti Qalb Tounes du candidat emprisonné Nabil Karoui. L'ISIE a, par la même occasion, indiqué que la campagne électorale va démarrer aujourd'hui et s'achèvera le 11 octobre prochain, opposant l'universitaire indépendant Kaïs Saïed à l'homme d'affaires incarcéré Nabil Karoui, poursuivi pour fraude fiscale et blanchiment. «L'ISIE ne peut ni avancer ni reculer la date des élections, en vertu de la Constitution», a déclaré à cet égard le président de l'instance, Nabil Baffoun, aux médias locaux. Il répondait, ainsi, au porte-parole de Qalb Tounes qui, la veille, appelait à la suspension pure et simple du 2ème tour, dans l'attente de la mise en liberté du candidat du parti. Or, en fin de journée, la Cour d'appel de Tunis a rendu son verdict, rejetant, contre toute attente, une nouvelle demande de libération de Nabil Karoui, malgré les appels multiples à sa libération dont ceux de l'ISIE, du gendarme de l'audiovisuel (HAICA) et de nombre de personnalités politiques parmi lesquelles son rival du second tour, Kaïs Saïed. Avec cette décision, l'équité du scrutin est sérieusement compromise et l'égalité des chances entre les deux candidats, telle que la prévoit la loi électorale, profondément affectée. «Nous avons fait tous les efforts possibles pour garantir l'égalité des chances», a argumenté, la mort dans l'âme, le président de l'ISIE, hier. «Nous avons envoyé des courriers au ministère de la Justice, au procureur général et même au juge en charge de l'affaire pour qu'ils laissent à Nabil Karoui la possibilité de s'exprimer dans les médias, voire qu'ils le libèrent». Il en fut de même pour la Télévision tunisienne qui a adressé des lettres, en ce sens, aux différentes institutions, proposant même d'assurer une retransmission des débats à partir de la prison d'El Mornaguia pour permettre à Nabil Karoui de s'exprimer durant la campagne. Tout cela en vain. Le parquet peut avoir de solides raisons de considérer les soupçons qui pèsent sur Nabil Karoui comme «solides», cela n'empêche pas que les conditions dans lesquelles s'est faite son interpellation puis sa conduite à El Mornaguia dix jours avant le début de la campagne électorale du premier tour de la présidentielle suscitent des interrogations. Le candidat accuse d'ailleurs ouvertement le chef du gouvernement Youssef Chahed d'être à l'origine de ses déboires, ce que le mis en cause dément catégoriquement. Pourtant, le timing de la loi votée par les députés de Tahya Tounes, le parti de Chahed, et ceux de Ennahdha, destinée uniquement à barrer la route au candidat de Qalb Tounes, contribue à étayer l'accusation, surtout que quelques semaines auparavant Nessma TV a subi des déboires ordonnés par la HAICA qui a fait saisir son matériel et fermer ses locaux. Le démarrage de la campagne du deuxième tour du scrutin présidentiel coïncide avec les derniers jours de celle des législatives qui va s'achever demain. Outre les meetings que les deux candidats en lice ou leurs représentants devront animer dans les gouvernorats de la Tunisie, la question se pose de savoir s'il y aura réellement des débats télévisés entre les deux prétendants, au lendemain de la surprenante décision de la Cour d'appel de Tunis qui a rejeté, pour la troisième fois, les demandes de mise en liberté de Nabil Karoui. La démocratie balbutiante de la Tunisie semble désormais en voie d'extinction et les manoeuvres des partis qui tiennent le gouvernail, notamment à l'ARP, en sont, en grande partie, responsables.