Dans une Tunisie confrontée à une situation sanitaire, politique et économique préoccupante, la nouvelle de l'arrestation de Nabil Karoui, fondateur du parti Qalb Tounes, a retenti comme un coup de tonnerre de mauvais augure. Candidat inattendu à l'élection présidentielle tunisienne de 2019, au cours de laquelle il avait fait campagne depuis la prison pour la même affaire, il vient de nouveau d'être arrêté jeudi dernier, à la suite d'un mandat de dépôt délivré par le pôle financier judiciaire de Tunis. Poursuivi depuis 2017 pour «blanchiment d'argent» et «évasion fiscale», le chef du parti Qalb Tounes savait que l'expertise judiciaire réclamée en 2017, sur instance de l'ONG I-Watch, allait fatalement le rattraper. Il avait pourtant pris soin de soutenir, dans le cadre d'une coalition formée avec le parti islamiste Ennahdha et Tahya Tounes de l'ancien chef du gouvernement Youssef Chahed, le gouvernement que conduit Hichem Mechichi. Or, ce dernier peine à faire valider la loi de finances 2021, sous le feu des critiques de ces mêmes partis et les rumeurs enflent quant à un prochain remaniement. Quand on se souvient des soubresauts qui ont caractérisé l'exercice du gouvernement précédent de Fakhfakh, on mesure la dimension des incertitudes qui pèsent sur la scène politique tunisienne. D'ailleurs, de plus en plus de formations réclament un «dialogue national» mais le président tunisien Kaïs Saïed reste catégorique en affirmant que «les corrompus ne seront pas conviés». Nabil Karoui a écumé les antres de la communication avant de se lancer dans la politique et il avait ainsi créé la surprise en se retrouvant au second tour de la présidentielle de 2019, face à Kaïs Saïed! Né en 1963 à Bizerte, dans une famille modeste, avec un père tunisien employé d'une entreprise de marbre et une mère algérienne, femme au foyer, il a connu un cursus scolaire passable, avant de se rendre à Marseille pour des études de commerce. Entré en 1992 à Canal-Horizons, suite à la création de la filiale Afrique-Moyen Orient de Canal+, il fonde alors sa propre boîte de communication, Karoui & Karoui, avec son frère Ghazi. En pénétrant les marchés algérien et marocain, cette société profitera largement des campagnes publicitaires sur une téléphonie mobile en plein essor. Et c'est à partir de là que Nabil Karoui investira dans la télévision privée, en 2007, avec la chaîne Nessma qui lui a servi de tremplin durant la campagne électorale de 2019, la lutte contre la pauvreté ayant été son cheval de bataille. Avec Qalb Tounes, il est entré au Parlement, fort de 38 sièges sur 217. Devenu l'allié incontournable d'Ennahda, première force à l'ARP, avec 54 sièges, il compte aujourd'hui 30 sièges, après diverses démissions.