La presse et les observateurs s'étaient alors perdus en conjectures. Le secrétaire d' Etat adjoint américain aux Affaires du Proche-Orient, David C. Welch, arrivera finalement à Alger dans le courant de la semaine prochaine pour une visite de deux jours dans notre pays. C'est ce que nous avons appris hier de source sûre, comme nous avons également obtenu les explications de l'ajournement surprenant de la visite qu'il devait effectuer à la mi-décembre en Algérie. A cette période, on apprenait, le matin même où il était attendu par les responsables algériens du ministère des Affaires étrangères, qu'il avait annulé son voyage en l'absence de toute information officielle. On a su seulement qu'il avait été rappelé par le département d'Etat pour des impératifs non précisés. La presse et les observateurs s'étaient alors perdus en conjectures, ne sachant si ces impératifs étaient d'ordre familial ou professionnel. L'ambassade des Etats-Unis à Alger avait, on s'en souvient, diffusé un communiqué laconique, explicitant que David C. Welch avait dû rentrer précipitamment pour «des raisons indépendantes de sa volonté», ne fournissant aucune autre indication sur le fait que le sous-secrétaire d'Etat avait tout de même «dû rester en Libye pour une journée supplémentaire pour assister à des réunions de haut niveau» - sic -. Le texte ajoutait que, malgré tout, il s'agissait là d'un simple report et que David C.Welch se rendrait dans les jours qui viennent à Alger. Rappelons que si le report était demeuré mystérieux, on savait que le sous-ssecrétaire d' Etat devait au cours de son séjour dans notre pays donner une conférence de presse, après avoir été reçu par le chef du gouvernement, M.Ahmed Ouyahia, et le ministre des Affaires étrangères, M.Mohamed Bedjaoui. Plus, des sources du MAE avaient exprimé leur «étonnement» puisque «toutes les dispositions protocolaires d'usage » avaient déjà été prises, et que l'hôte américain n'avait vraisemblablement pas avisé son interlocuteur algérien de sa surprenante décision. Surprenante, en son temps, car nous savons aujourd'hui les tenants et aboutissants de cette affaire. Le sous-secrétaire d'Etat avait, avec insistance, tenu à être reçu par le président de la République, comme il avait émis le «souhait» de la présence du ministre algérien des Affaires étrangères à la pose de la première pierre de la future chancellerie des Etats-Unis en Algérie. En outre, et c'est la plus surprenante des explications qui nous ont été apportées, les Etats-Unis gèrent le calendrier des rencontres avec un certain nombre de pays d'une manière unilatérale, en ce sens qu'ils avisent de la visite de leurs responsables à telle ou telle date, sans tenir compte, le moins du monde, des obligations ou des contraintes du partenaire. Ce modus operandi génère des difficultés, souvent inextricables, pour les pays qui entendent donner satisfaction à un interlocuteur aussi important et aussi exigeant. Quelle que soit la bonne volonté, il s'avère parfois impossible d'honorer la demande, et c'est ce qui est vraisemblablement arrivé le 13 décembre dernier, conduisant le sous-secrétaire d'Etat américain à annuler à la dernière minute, et sans en informer le moins du monde le ministère algérien des Affaires étrangères, une visite pourtant très attendue du fait de l' «excellence» des relations entre les deux pays qui ont connu, ces quatre dernières années, un essor remarquable, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Peut-on raisonnablement parler d' un malentendu politique patenté entre Alger et Washington, sachant que d'autres incidents ont déjà eu lieu? William Burns avait, on s'en souvient, animé une conférence de presse furtive à l'aéroport Houari-Boumediène tandis que Colin Powell avait consenti à passer quelques heures au terme d'un séjour de villégiature de trois jours au Maroc. Sans doute pas, il y a seulement une question d'appréhension correcte de la relation privilégiée entre deux pays souverains.