Le retour de Abdelhak Layada dans ce même quartier qui a donné naissance au GIA, quatorze ans plus tôt, a été lourd de sens. Abdelhak Layada, «émir historique» du Gia a été autorisé par les autorités sécuritaires en charge de son dossier, a assister à la cérémonie de recueillement qui a eu lieu jeudi, à la maison familiale des Layada. Quelques jours avant la mort de la mère de layada, agée de 87 ans, suite à une maladie cérébrale, sa famille avait introduit auprès de la direction de la prison de Sarkadji, mais aussi auprès des autorités militaires en charge du dossier, une demande de sortie pour Abdelhak. Accompagné de plusieurs membres des services de sécurité en civil, Abdelhak Layada avait été, donc, conduit chez lui, où il avait pu s'entretenir, durant une bonne heure, avec les membres de sa famille, ses trois enfants, dont l'aîné, Adlane, et le plus jeune, Soheib, âgé aujourd'hui de 13 ans. Autour du cordon de sécurité très hermétique qui s'était formé autour de la maison des Layada, une foule d'amis, de curieux et de repentis s'était peu à peu constituée «pour voir comment est devenu Abdelhak». Apparemment en bonne forme physique, après treize ans de détention, Layada était habillé proprement, portait une jaquette, et avec une grosse moustache et des lunettes aux cadres noirs, semble avoir littéralement changé de look. Ce geste fort des autorités militaires avait été très apprécié par les repentis locaux, très nombreux de ce premier fief du GIA, et personne n'a tari d'éloges sur l'attitude des responsables en charge du dossier Layada. La présence très forte des islamistes locaux et le geste fort des autorités ont été un moment de réconciliation sincère, d'autant plus que Baraki reste une des villes néo-urbaines de l'Algérois qui présente le plus fort taux de repentis, et qui a été une des mieux pacifiées, bien qu'elle ait représenté jusqu'en 1997, le fief par excellence du GIA, en dehors du fait qu'elle ait été la ville qui lui avait, en octobre 1992, donné naissance. Les prises de position de Layada en faveur de la paix, après avoir été un des chefs insurgés de l'islamisme semblent jouer en sa faveur. Dans un communiqué datant du 22 septembre, c'est-à-dire en pleine campagne pour le projet de paix et de réconciliation nationale, initié par le président de la République, le chef historique du GIA, Abdelhak Layada, évoquait par le biais de son fils Adlane, les grandes lignes de la réconciliation nationale qu'il qualifiait de «choix inéluctable». «La charte pour la paix et la réconciliation nationale - que nous appuyons par notre libre choix requiert de nous, que nous tirions les leçons nécessaires de nos erreurs et de celles des autres, et que les erreurs du passé soient la clé de notre problème d'aujourd'hui (...) La solution que propose le président de la République ne peut se faire qu'en Algérie et entre les Algériens et on peut la considérer comme une plate-forme décisive pour une vie plus pacifique et une orientation vers la fin de la crise», estimait le prisonnier de Serkadji. Layada se lamentait aussi que la charte n'ait pas précisé que la réconciliation doit se faire entre telle et telle partie afin que le débat soit plus clair, plus sincère et plus juste: «Quand on parle de retour à la paix, cela implique qu'il y avait une situation de guerre, et quand il y a guerre, ce sont les belligérants qui délimitent les contours de la paix et de ses implications (...) la charte, en fait, se pose comme une thérapie sécuritaire et sociale à la crise tandis que son volet politique est occulté.» Malgré toutes les observations soulevées çà et là, Layada estimait que la charte est un document qui «permet d'espérer» notamment quand il propose le dédommagement à tous ceux qui ont souffert de la tragédie nationale (...) et affirme qu'il «appuie» de ce fait «cette charte pour la paix». Layada estimait aussi qu'il y avait encore fort à faire face aux éradicateurs et à ceux qui sont hostiles à la paix et à la réconciliation: «Il faut faire échec à ceux-là et faire en sorte que le sang ne coule plus jamais.» En prison, depuis pratiquement douze années ( par un curieux événement, Layada a été remis par le Palais royal aux autorités algériennes le 29 septembre 1993, c'est-à-dire douze ans, jour pour jour, avant le référendum pour le projet de charte, organisé le 29 septembre 2005, ndlr), Abdelhak Layada, avait été le premier émir du GIA, constitué à partir de la fin d'octobre 1992 à El Merdja, dans la périphérie de Baraki. Composé des groupes de la Mitidja, de Mohamed Allel et de Mansouri Miliani, le GIA avait alors consacré l'hégémonie de la jeunesse islamiste urbaine au détriment du MIA, composé des «stars» âgés de l'insurection islamiste (Chebouti, Hocine Abderahim, Mekhloufi, etc.) Layada, dès son accession à la tête du GIA constitué, avait établi les premiers codes de conduite, une sorte de règlement intérieur, et avait désigné les émirs locaux (nov 1992 à janvier 1993). En mars 1993, il part pour le Maroc, où il sera «pris en charge» par le Palais royal, qui tentera durant plusieurs semaines de négocier. Le «deal» était, selon les propres aveux de Driss El Basri, en 2004, aux quotidiens espagnols El Mundo et ABC, que Layada bénéficie d'une base de repli au sud du Maroc, avec toute la logistique nécessaire, en contrepartie de quoi, il devait liquider des opposants politiques sahraouis et marocains, présents à Alger. La négociation n'a pas marché et Layada a été, en désespoir de cause, remis à l'Algérie. Agé aujourd'hui de 47 ans, Layada reste notamment doté d'une incontestable aura auprès des groupes armés pour avoir été le chef historique du GIA. Négociateur lors de la mutinerie de Serkadji en 1995 et lors du détournement de l'airbus français en décembre 1994, les autorités lui concèdent d'avoir encore une certaine influence sur les groupes encore en armes...