Quelle influence peut-il encore avoir sur les irréductibles encore dans les maquis? Le président de la Commission nationale pour la protection des droits de l'Homme, Farouk Ksentini, a confirmé qu'il a été destinataire d'une correspondance de Abdelhak Layada, premier émir du GIA constitué, et dans laquelle il dit être prêt à contribuer à l'effort de paix national, pour peu que les autorités le sollicitent et le mettent dans les conditions idéales pour cela. Dans sa correspondance, destinée au président de la République lui-même par le biais de Ksentini et dictée à son fils Adlène, il énumère aussi certaines mesures concrètes à prendre et qui permettent de profiter au maximum du flux des repentis qui peuvent être touchés directement et dès les premiers jours de la mise en route des applications de la Charte. Selon les propos de son fils Adlène: «Layada a pris acte du projet de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et dit être prêt à tenir un rôle d'intermédiaire entre les autorités et les groupes armés, afin de les convaincre de la nécessité de mettre fin aux hostilités.» Adlène ajoute par ailleurs que Abdelhak Layada estime que «si les groupes armés encore en armes voient que des garanties concrètes sont venues appuyer l'effort de paix et de réconciliation, il y aurait de fortes chances de voir un flux assez important descendre des maquis et déposer les armes». L'ancien chef du GIA estime que ses chances d'y parvenir sont assez élevées. A quoi tient ce brusque retour à la paix? Pour Adlène, en fait «c'est une disposition qui date de 1994 et qui n'a jamais exploitée ni par les autorités, ni par les médias». Layada, qui purgeait alors une peine à la prison algéroise de Serkadji, venait assister au procès de l'assassinat de l'écrivain-poète Tahar Djaout, assassiné en mai 1993, assassinat dans lequel Layada avait été cité puis accusé d'en être le commanditaire avant que la justice ne le disculpe définitivement. Durant le déroulement de ce procès, Layada avait donné un entretien à un journaliste du très étatique El Moudjahid et qui fut publié le lendemain avec ce gros titre: «J'appelle à déposer les armes.» Le journal existe encore et on peut le consulter dans les archives publiques et privées. L'ancien chef national du groupe islamique armé dit encore: «Qui peut négocier avec Hattab, Belmokhtar et les irréductibles des groupes armés? Il leur faut un interlocuteur crédible pour les convaincre aujourd'hui à déposer les armes.» A 47 ans, Abdelhak Layada pense qu'il n'est pas encore fini et pourrait contribuer à faire beaucoup de choses, «bien que le projet de charte comporte plusieurs mesures largement discutables et empreintes de vastes zones d'ombre savamment entretenues». Le «chef historique» du GIA constitué peut-il être influent auprès des islamistes encore armés? Beaucoup de leaders du FIS estime que oui, avançant l'idée que «les groupes armés, tels le Gspc, sont plus réceptifs au discours religieux, d'autant plus s'il provient d'un ancien chef que nul ne conteste, et qui garde à ce jour quelque crédit auprès des derniers irréductibles». Récemment encore, Madani Mezrag, partie prenante de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, estimait, lors d'une conférence de presse, que «les groupes armés, le Gspc notamment, sont plus réceptifs au langage religieux lancé en leur direction par leurs anciens chefs». Constitué en octobre 1992 par la convergence de trois groupes, celui de Mohamed Allel, de Mansouri Miliani et celui dit «de la Mitidja», le GIA constitué a eu pour premier chef Abdelhak Layada. Six mois plus tard, Layada est arrêté au Maroc et soumis aux marchandages du Palais royal. Il est extradé au mois d'août 1993 et remis aux autorités algériennes. Entre-temps, l'intérim du GIA est assuré par Aïssa Benamar, qui sera tué un mois plus tard à Magtaâ Lazreg et remplacé au pied levé par Sid Ahmed Mourad. C'était le début d'une longue guerre... il y a douze ans.