Les gouvernements européens condamnent les violences, sans interpeller leurs propres médias. L'Affaire des caricatures du Prophète Mohamed (Qsssl) prend une ampleur telle, qu'elle en devient une priorité au plan international. Alors que les officiels et autres hommes de religions condamnent les violences, la rue arabe semble plus que jamais en ébullition. Au Caire, à Damas et à Ghaza en Palestine, la tension est à son comble. A Beyrouth, des centaines de manifestants s'en sont pris au bâtiment abritant l'ambassade du Danemark qu'ils ont incendiée. Un acte qui, au lendemain de l'incendie de la représentation diplomatique perpétré par des jeunes dans la capitale syrienne, fait monter d'un cran la pression de plus en plus forte contre les deux pays scandinaves, la Norvège et le Danemark. Les jeunes Libanais ont été plus loin en ciblant les quartiers chrétiens de Beyrouth, ce qui fait envisager le pire dans ce petit pays arabe, déjà en butte à des problèmes politiques internes. Cette soudaine flambée de violence a amené le ministère danois des Affaires étrangères à recommander à ses ressortissants de quitter tout simplement le Liban. «La situation au Liban s'est développée de manière très négative au cours de la journée de dimanche (...). La situation à Beyrouth n'est pas sous contrôle», lit-on dans un communiqué destiné à la communauté danoise vivant dans le pays des Cèdres. Au Caire, ce sont des milliers d'Egyptiens qui ont manifesté, hier, exigeant la rupture des relations avec le Danemark et la Norvège. «Tout sauf le Prophète», «Boycottez le Danemark et la Norvège», scandaient les quelque 3 000 manifestants, tandis que certains brandissaient le Coran, lors d'un rassemblement devant le syndicat des avocats. Par ailleurs, une vingtaine de Palestiniens en armes ont manifesté devant le centre culturel français à Naplouse contre la publication des caricatures dans la presse européenne. Les manifestants ont peint un grand X sur la porte du centre et l'inscription: «Fermé jusqu'à ce que votre pays présente ses excuses». Ils ont appelé au boycottage des produits français et danois, mais demandant en outre de ne pas enlever des ressortissants européens par vengeance. La violence monte d'un cran Face à cette déferlante de violence qui va crescendo, les dirigeants de nombreux pays occidentaux montent au créneau, dans une tentative de calmer «l'ardeur» des jeunes musulmans, tout en confirmant leur intention de ne rien tenter contre les titres de presse incriminés. Sept présidents européens, réunis à l'invitation de l'Allemand Horst Köhler, ont manifesté publiquement leur soutien au Danemark au lendemain du deuxième incident du genre, après celui de la Syrie. Ils ont unanimement condamné l'escalade des violences, tout en appelant «au respect des sentiments religieux». «Le combat et les menaces sont inacceptables quelles que soient les circonstances», a affirmé le président allemand. Une attitude de fermeté qui, faut-il le souligner, n'arrange pas les choses, même si le président allemand a tenu à préciser que «la responsabilité et le respect des autres et de leurs sentiments religieux font aussi partie de la liberté». Cette tendance à «tenir le bâton par le milieu» est également le fait de l'administration Bush, avec néanmoins une volonté de récupération de l'événement. En effet, tout en condamnant «dans les termes les plus forts» les actes de vandalisme contre les ambassades du Danemark et de la Norvège à Damas, elle a accusé le régime de Bachar Al Assad de les soutenir. Dans son communiqué, Washington exprime «la solidarité» des Etats-Unis avec ses alliés européens, tout en prônant un «dialogue constructif et pacifique soulignant le respect de toutes les croyances religieuses». Dans le monde musulman, les condamnations des violences n'ont également pas manqué. A commencer par le grand mufti de Syrie, cheikh Ahmad Badreddine Hassoun, plus haut dignitaire musulman du pays, qui a «regretté» le recours à l'incendie des bâtiments des ambassades du Danemark et de la Norvège à Damas. Une position partagée par l'Etat syrien et la Turquie. Cependant, Cheikh Hassoun n'a pas manqué d'accuser «des éléments ne croyant pas au dialogue qui s'étaient introduits parmi les manifestants», d'être derrière les saccages des bureaux des ambassades. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a, de son côté, déploré les attaques contre les ambassades du Danemark et de la Norvège à Damas et Beyrouth. Le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, «désapprouve les regrettables et déplorables incidents», qu'il qualifie de «réactions démesurées, qui dépassent les limites d'actes pacifiques et démocratiques». Pour l'OCI de tels comportements sont dangereux et «sapent les efforts de défense de la cause légitime du monde musulman et portent gravement atteinte à la véritable image de l'islam». Les politiques embarrassés Devant cette «cascade» de réactions où l'on se rejette les accusations, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, s'est déclaré «extrêmement préoccupé», appréhendant «une guerre des cultures». «Nous n'avons pas encore de guerre des cultures, mais nous sommes toujours encore éloignés du dialogue recherché, alors que celui-ci est souhaitable et nécessaire», a-t-il déclaré. Les craintes du ministre peuvent se confirmer si les attitudes des dirigeants occidentaux poussent la rue musulmane à donner du crédit aux déclarations des mouvements terroristes notamment. La «première salve» est venue d'un groupe armée irakien qui a menacé de frapper les intérêts des pays européens dont des journaux ont publié des caricatures du prophète Mohamed (Qsssl). Dans un communiqué mis en ligne hier sur son site Internet, le groupe armé proclame que «les intérêts des pays dont les journaux ont publié ces images humiliantes seront notre cible». Le communiqué cite le Danemark, la Norvège, l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et l'Espagne. En France, l'on retiendra l'initiative du Mouvement antiraciste et pour l'amitié entre les peuples, le Mrap, qui a déposé plainte contre France Soir.