La décision de l'Aiea de transférer le dossier du nucléaire iranien au Conseil de sécurité a induit des réactions en cascade. La crise du nucléaire iranien a franchi un nouveau jalon avec la décision prise samedi par l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) de transférer le dossier iranien au Conseil de sécurité. Cette décision met du moins provisoirement, un terme aux tentatives d'arriver à un accord négocié avec Téhéran. Toutefois, cette décision n'a pas, en revanche, intimidé l'Iran, plus que jamais décidé à poursuivre son programme nucléaire, comme le souligne le porte-parole du gouvernement, Gholam Hossein Elham, qui a indiqué dans une conférence de presse: «Notre utilisation de la technologie nucléaire est transparente et comme l´a déjà dit le président, nous continuerons notre programme nucléaire dans le cadre du Traité de non-prolifération (TNP)» précisant «l´Iran n´avait aucune intention de remettre en cause le TNP». M Elham a par ailleurs déclaré que «l´ordre a été donné de suspendre les restrictions volontaires et l´Iran reprendra ses activités» en référence à la demande du président Mahmoud Ahmadinejad. Ainsi, Téhéran a informé l´Aiea de sa décision de reprendre ses activités d´enrichissement de l´uranium, a indiqué, hier, le principal dirigeant chargé du nucléaire en Iran «Dans une lettre à l´Aiea, nous avions annoncé cela», a déclaré Ali Larijani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, cité par l´agence estudiantine Isna. «Leurs inspecteurs viendront dans ce but en Iran dans les prochains jours», a-t-il par ailleurs ajouté. L'Iran qui avait, jusqu'ici, volontairement coopéré avec l'Agence de sécurité nucléaire de l'ONU (Aiea) a annoncé dimanche, avoir mis un terme au régime renforcé d´inspections de son programme nucléaire par l´Aiea. Hier, un nouveau pas a été franchi par l'annonce par Téhéran de la décision de reprendre son programme d'enrichissement industriel d´uranium suspendu volontairement à la fin 2003. Suite à la décision de l'Aiea de porter l'affaire du nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité, les choses se sont donc précipitées, Téhéran s'estimant dégagée de ses engagements avec l'agence onusienne par sa décision de reprendre sa liberté. Ce que le ministre des Affaires étrangères iranien Manouchehr Mottaki, devait expliquer dès dimanche, - au lendemain de la décision prise à Vienne par l'Aiea- en confirmant, lors d´une conférence de presse, l´arrêt de toutes les mesures de coopération volontaires de l´Iran sur son programme nucléaire avec l´Agence internationale de l´énergie atomique. «Toutes les mesures volontaires prises ces deux et demie ou trois dernières années ont été arrêtées et nous n´avons aucun engagement envers le protocole additionnel et autres mesures volontaires», a souligné le ministre. L'Iran, rappelle-t-on, a notamment suspendu volontairement en 2003 des activités sensibles liées à l´enrichissement d´uranium dans son usine de Natanz (centre). Le chef de la diplomatie iranienne a d'autre part, affirmé que la résolution de l´Aiea «n´a pas de base légale, et ce vote enlève simplement l´opportunité de coopération volontaire entre l´Iran et l´Agence internationale de l´énergie atomique». Ainsi, après plus de deux ans de négociations entre l'Iran et l'Aiea, les choses reviennent à la case de départ, les deux parties demeurant sur leur position. De fait, forte du droit que le protocole du TNP (Traité pour la non-prolifération nucléaire) donne à tout pays de poursuivre des recherches en vue de l'acquisition de technologies pour l'utilisation civile du nucléaire, Téhéran n'en démord pas et tient à continuer des recherches qu'elle estime dans l'intérêt de l'Iran et de son peuple. En fait, la mobilisation de l'Occident, depuis près de trois ans, autour du nucléaire iranien, n'est pas fortuite et est à tout le moins curieuse quand, dans le même temps, la «communauté» internationale ferme les deux yeux sur ce que fait Israël dans ce domaine. Or, Israël est le seul pays au monde à ne pas adhérer au TNP et aux protocoles similaires de sécurité nucléaire et refuse par ailleurs toute inspection de l'Aiea de sa centrale nucléaire de Dimona, sans pour autant susciter l'ire d'une «communauté» internationale qui, le moins qui puisse être dit, se montre très sélective. L'Iran qui accepte le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique est diabolisé quand le pays, Israël, qui défie les lois internationales qui, théoriquement, s'imposent à tous, et met en danger la paix et la sécurité mondiales par sa possession d'un arsenal nucléaire, n'est nullement inquiété par ceux-là mêmes qui se veulent les gendarmes de la sécurité nucléaire dans le monde. Ainsi, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, portant loin la surenchère en n'excluant aucune option, y compris militaire, a affirmé, dans une interview parue hier en Allemagne, que les Etats-Unis se réservent «toutes les options», y compris «l´option militaire» pour répondre à la crise nucléaire iranienne. «Toutes les options - y compris la militaire - sont sur la table», a-t-il dit au journal économique Handelsblatt. «Aujourd´hui, on peut disposer d´armes biologiques, chimiques et radiologiques qui peuvent tuer des dizaines de milliers de personnes», a-t-il souligné, ajoutant que «la possibilité que ces armes tombent entre les mains de gens qui décapitent des innocents et font exploser des enfants est réelle». L'allusion au monde arabo-musulman est transparente. M.Rumsfeld prenait part à la Conférence de la sécurité de Munich (sud de l´Allemagne), qui a regroupé ministres et experts en défense. De son côté, le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a mis «en garde» hier, les Iraniens sur les conséquences «très graves pour eux» d´un isolement dans la crise du nucléaire. Cette focalisation de l'Occident sur le nucléaire iranien, et plus largement dans les pays musulmans, est rien moins qu'innocente et souligne surtout la vision unilatérale qu'ont les pays occidentaux sur la dissémination de la technologie et du savoir dans les pays de l'hémisphère Sud, interdisant de fait l'accès à la science et à la connaissance à un quart de l'humanité.