Rien ne va plus entre l'Iran, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne) après la décision de Téhéran de poursuivre ses activités d'enrichissement d'uranium mettant ainsi fin à un fragile consensus qui avait été établi avec la troïka dans le cadre du dialogue engagé depuis de longs mois avec l'Iran sur son dossier nucléaire. Les pays de la troïka européenne ont œuvré afin que le dossier nucléaire iranien ne soit pas transféré au Conseil de sécurité comme ne cessent de le réclamer les Américains qui cherchent à obtenir une condamnation sans appel de Téhéran par le Conseil de sécurité avec les sanctions que cela implique. En dépit des sanctions qui frappent déjà l'Iran, résultant notamment de la loi d'Amato qui interdit les investissements étrangers dans le secteur énergétique iranien dépassant les 20 millions de dollars US, une loi qui n'a jamais connu d'application en raison des intérêts stratégiques que représente le marché iranien pour les Européens, l'UE se démarque de plus en plus du dialogue politique avec l'Iran, devenu de fait caduc et en appelle désormais à « l'implication du Conseil de sécurité afin de renforcer l'autorité des résolutions de l'AIEA ». Les Européens, qui semblent avoir changé de fusil d'épaule pour tenter d'infléchir la position iranienne, savent que la partie ne sera pas facile compte tenu du poids stratégique de l'Iran dans la région et de son influence sur le marché énergétique mondial et particulièrement pour les approvisionnements du marché européen qui risquent d'en pâtir si des menaces de sanctions à l'encontre de l'Iran venaient à être décidées. Pour convoquer le Conseil de sécurité, il faudra d'abord convaincre la Russie et la Chine, deux membres influents du Conseil de sécurité qui n'ont pas encore dit ni leur premier ni leur dernier mot depuis les tout récents développements intervenus dans le dossier nucléaire iranien. Les Chinois ont toutes les raisons de ne pas suivre les Européens dans cette démarche qui risque de faire tache d'huile et d'ouvrir la voie à d'autres condamnations notamment contre la Corée du Nord. Les menaces de Téhéran de rompre ses contacts avec l'AIEA, dont elle a signé le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire en 2003, non encore ratifié par le Parlement iranien, inquiète l'Agence internationale de l'énergie atomique. Forte de cet instrument juridique, cette agence était autorisée jusqu'ici à effectuer des inspections des sites nucléaires iraniens. Les négociations sur le nucléaire iranien ont évolué en dents de scie sous le régime réformateur de Mohammad Khatami en maintenant une espèce de modus vivendi, d'état de ni guerre ni paix, où chacun des protagonistes dans ce conflit pouvait trouver son compte. L'arrivée de l'ultra conservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidence iranienne s'est accompagnée d'une radicalisation des positions officielles de Téhéran sur certains dossiers stratégiques, tels que le dossier nucléaire et le conflit du Proche-Orient. Il apparaît clairement, en effet, que le nouveau président iranien a signé sa condamnation dès lors qu'il s'était attaqué dans des termes que même les Palestiniens et les Arabes ont abandonnés depuis la reconnaissance tacite de l'Etat d'Israël, en soulignant qu'Israël « doit être rayé de la carte ». L'accélération des événements de ces dernières semaines avec la menace de saisine du Conseil de sécurité n'est certainement pas étrangère aux déclarations politiques du président iranien suivies sur le terrain de la réactivation du programme nucléaire iranien pour mieux se faire comprendre et entendre par ses interlocuteurs. Le bras de fer est donc bel et bien entre les autorités iraniennes et l'AIEA. Le tout est de savoir si la démarche du président iranien bénéficie du soutien du pouvoir réel en Iran qui est le clergé et les autres instances dirigeantes, notamment le Conseil de discernement présidé par le candidat libéral malheureux aux dernières élections présidentielles, l'ancien président Rafsandjani. Ce dernier pourrait tirer avantage de cette crise pour se replacer. Le régime iranien a tout intérêt à faire l'économie d'une crise qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le pays, déjà de facto sous embargo économique.