El-Hedda ou comment quitter le pays, fuir son quotidien difficile sur la pointe des pieds comme un voleur. L'aventure tente beaucoup de jeunes qui n'arrivent pas à décrocher le sésame, à savoir le visa. Avant, quand on parlait d'émigration clandestine, on avait toujours à l'esprit l'image de ces cohortes de ressortissants africains fuyant leurs pays et faisant halte chez nous en attendant de rejoindre l'eldorado européen. Pour le commun des Algériens, c'était cela l'émigration clandestine. Rares étaient nos jeunes qui osaient braver les dangers de la mer, la menace de marins criminels qui ne rechignaient pas à jeter les clandestins dans les eaux lourdes de la Méditerranée. Autres temps, autres moeurs, maintenant le phénomène est banal. Oran, de par sa position géographique, est devenue une porte de prédilection pour les jeunes désoeuvrés. Plusieurs cadavres de malheureux jeunes ont été récupérés par les gardes-côtes au large d'Arzew et d'Oran. L'année dernière, 161 jeunes, qui voulaient tenter l'expérience, ont été appréhendés au niveau du port d'Oran. Ce chiffre, qui dépasse celui enregistré durant l'année 2000 (141 tentatives déjouées seulement), traduit, dans une large mesure, le degré de malaise social qui tend à s'amplifier chez beaucoup de jeunes. Au cours de la saison estivale, il arrivait aux agents de la PAF d'appréhender jusqu'à 20 jeunes, tentés par l'embarquement frauduleux. Beaucoup d'entre eux devant les difficultés à obtenir le fameux visa d'entrée dans l'espace Schengen, parfois appâtés par des marins véreux, n'hésitent pas à franchir les grilles de l'enceinte portuaire pour se retrouver entre les mains de la police des frontières qui a renforcé ses équipes depuis que l'Algérie a signé des conventions de coopération avec nos voisins du nord de la Méditerranée. Les attentats du 11 septembre ont poussé les pays européens à renforcer les contrôles au niveau de leurs frontières et de leurs eaux territoriales, ce qui s'est traduit ces derniers temps par le refoulement de plusieurs clandestins vers leurs pays d'origine. On se rappelle que plusieurs jeunes ont été appréhendés par la police, à l'aéroport d'Es-Senia ou au port d'Oran, à leur retour d'Espagne ou de France d'où ils ont été expulsés. L'Espagne, point de chute de plusieurs clandestins venus d'Afrique du Nord, avait montré l'exemple à ses voisins en expulsant de son territoire les Algériens qui étaient en situation irrégulière dans le centre de transit temporaire d'immigration de Melila (enclave espagnole située au nord du Maroc). Le visa, difficile à obtenir pour les demandeurs, fait l'objet de tous les trafics. L'année dernière, plusieurs individus qui s'étaient spécialisés dans la falsification de ce document de voyage ont été appréhendés par la police à Oran. Malgré toute la vigilance des policiers, le génie des jeunes désoeuvrés les pousse à trouver des moyens toujours plus ingénieux pour embarquer clandestinement sur des bateaux en partance pour le Nord. L'aventure tente toujours des centaines de jeunes, même ceux auxquels on évoque le cas de plusieurs malheureux qui ont laissé leur vie en tentant d'embarquer clandestinement à partir des quais des ports d'Oran et d'Arzew.