Le dispositif de sécurité n'a laissé aucun terrain où la tension puisse prendre de l'ampleur. Guerre des mots, guerre des tracts. Jeudi soir, la rue algéroise prévoit une manif pour vendredi, jour de prière. Les esprits ont été échauffés, des jours durant, à la suite de la publication par un journal danois des caricatures sur le Prophète Mohamed (Qsssl) et ensuite, par le bouillonnement de la rue dans certaines capitales arabes. Les manifestations de rue ne sont pas tolérées à Alger et pourtant certaines rumeurs ayant circulé jeudi soir, mais aussi certains tracts distribués et placardés dans plusieurs quartiers populaires de l'Algérois ont prévu un éventuel «débordement» après la prière du vendredi. La tension régnait, jeudi soir et vendredi matin, dans les hauts quartiers de Belcourt, des tracts ont été collés sur les murs de Laâkiba. Tous les ingrédients étaient réunis pour un jour de manif et de contestation et c'est tout un monde qui fourbit ses armes et rêve de faire parler la poudre. Vendredi après-midi sur les hauteurs de Belcourt, quartier populaire par excellence au coeur d'Alger, la tension se fait sentir à Laâkiba, particulièrement, où des petits groupes commencent à se constituer. Mais, juste en bas, à la Place du 1er-Mai, c'est la machine sécuritaire qui procède aux derniers réglages en prévision d'un quelconque problème. Place de la Concorde, face à l'hôpital Mustapha-Pacha et aux alentours du ministère de la Jeunesse et des Sports, un dispositif de sécurité est installé pour déjouer la moindre tentative de regroupement. Depuis la publication des caricatures sur le Prophète, des formations politiques et des représentants de la société civile ont décrété la tolérance zéro. Jusqu'à ce week-end, la protestation était pacifique, mais des personnes inconnues, rédacteurs desdits tracts, aimeraient, paraît-il, faire chauffer le chaudron. Sans signature aucune, ni tampon, les affiches «illicites» sur lesquelles on peut lire «êtes vous vivants ou morts», une manière, semble-t-il, d'inciter à une réplique dans la rue au sujet des caricatures controversées, n'ont en fin de compte eu aucun résultat. Le dispositif de sécurité n'a laissé aucun terrain où la tension puisse trouver un foyer. Mais l'installation des éléments de la police, faut-il le dire, a été loin des lieux de culte pour éviter toute tension dans les esprits, déjà suffisamment échauffés. En fin de compte, l'après-midi du vendredi s'est déroulé dans le calme dans la plupart des quartiers d'Alger, en dépit de quelques attroupements constatés à la fin de la prière, sur les hauteurs du vieux quartier de Belcourt. Mais à écouter les uns et les autres, le ton est loin d'être conciliant envers les caricatures blasphématoires à l'égard du Prophète, publiées au Danemark et reproduites dans plusieurs pays européens. Néanmoins, répondre à des tracts d'origine inconnue est aussi une «pratique irresponsable» aux yeux de Abdelkader, résidant de Belcourt. «Je crois que les débordements survenus dans certaines capitales arabes sont beaucoup plus le fait d'une manipulation». Samir G, un homme d'une quarantaine d'années, médecin à l'hôpital Mustapha-Pacha est très remonté contre les dessins de la discorde. «Des organismes et des institutions spécialisés sont censés les condamner et les dénoncer d'une manière officielle», estime-t-il. Le même climat régnait dans la journée d'hier à Bab El Oued et Place des Martyrs où des éléments de la police étaient appelés à intervenir au moindre «débordement». «Heureusement que l'imam de la mosquée n'a pas versé dans la polémique et a tenté de calmer les esprits», nous a révélé Abdelkader, à la sortie de la mosquée.