Les Algérois ne peuvent qu'organiser des rassemblements de soutien au peuple irakien. Les Algériens ont-ils le droit de marcher ou de manifester en tous lieux et en toutes circonstances ? Cette lancinante question est, de nos jours, d'actualité, puisque la mobilisation mondiale contre la guerre en Irak, à travers des marches, remet au goût du jour les manifestations publiques en Algérie. Jusque-là, les marches populaires, indépendamment de leurs initiateurs et de leurs objectifs, étaient formellement interdites, en raison de l'état d'urgence décrété il y a plus de 10 ans. Lundi dernier, le troisième homme de l'Etat, M. Karim Younès, a annoncé, cependant, la levée partielle et exceptionnelle de l'interdiction des marches et rassemblements en soutien au peuple irakien. Le président de l'APN a, en effet, déclaré à la clôture de la session extraordinaire consacrée à la guerre contre l'Irak : “Les marches seront autorisées dans 47 wilayas à l'exception de la capitale où seuls des rassemblements peuvent avoir lieu.” Néanmoins, l'ouverture du champ d'expression populaire demeure une résultante évidente de la pression et des exigences de la population et même des parlementaires. Ces derniers ont été, comme rapporté dans Liberté d'hier, brutalisés et malmenés par les CNS au cours de la marche réprimée, lundi matin, au niveau du carrefour de la Colonne-Voirol. Ils voulaient marcher sur l'ambassade américaine à Alger pour exprimer leur refus de la guerre déclenchée par les Américains contre la population irakienne. L'interdiction des manifestations populaires à Alger a été décrétée, rappelons-le, en Conseil de gouvernement du 22 juin 2001 et ce, à la suite de la marche historique organisée par le mouvement citoyen le 14 juin 2001. Dans le communiqué du département de zerhouni, il est mentionné : “Le gouvernement réitère sa décision de suspendre jusqu'à nouvel ordre l'organisation des marches dans la capitale pour prévenir et éviter toutes dérives ou dérapages préjudiciables”. Toutefois, cet argument “fallacieux” n'a pas été de mise lors de la visite de Chirac à Alger où les citoyens sont sortis dans la rue sans que rien ne se soit passé, alors qu'aujourd'hui on use de ce prétexte pour empêcher et bâillonner la population algéroise, d'autant que les citoyens sont sortis spontanément dans toutes les capitales du monde pour crier leur refus de la guerre. La “honte” a franchi le seuil de l'intolérable en Algérie, sachant que l'Algérois est encore au stade de demander l'autorisation de marcher. Alors que les Londoniens, dont le gouvernement est un acteur de la guerre, ont été nombreux, dimanche dernier, à battre le pavé de Piccadilly. Un membre de la direction du parti des travailleurs joint, hier, par téléphone, n'a pas caché sa stupéfaction quant au maintien de l'interdiction de marcher pour les Algérois. “Il n'y a pas de raison de continuer à bâillonner la population algéroise”. Des observateurs de la scène politique nationale ont versé dans des commentaires pour le moins acceptables. Ils estiment que l'ouverture partielle et exceptionnelle des marches est décidée dans le sens à ne jamais déplaire à Bush et à Blair, tout en tentant de prendre en charge les doléances des Algériens. Enfin, il n'est pas exclu que le ministère de l'Intérieur verrouille le champ d'expression populaire au lendemain de la fin de la troisième guerre du Golfe. Et le département de Zerhouni remettra évidemment sur le tapis la situation sécuritaire et l'état d'urgence. R. H.