Les journalistes ne connaissent pas encore les chefs d'accusation. Le rédacteur en chef du journal Essafir a indiqué que «les chefs d'accusation retenus contre le directeur du journal, en détention provisoire à la prison de Serkadji, ne sont pas encore connus», lors d'un point de presse qu'il a animé hier, à la Maison de la presse Tahar-Djaout. «Son avocat n'a pas pu prendre connaissance du dossier. Il lui a rendu visite par deux fois mais n'a pas d'éléments nouveaux», précise-t-il. Il a rappelé la genèse de l'affaire depuis le début. Le jeudi 2 février, le journal Rissala, une publication affiliée à Essafir, a publié quelques caricatures parmi les douze qui sont à l'origine de la vague de protestations dans le monde musulman en ajoutant des commentaires de dénonciation. Donc, l'objectif était de lancer une contre-campagne. Le samedi, l'imprimerie suspend le tirage de Rissala sur injonction du ministère de la Communication. Le mercredi 8 février, des agents de la police se présentent au journal et remettent une convocation au directeur du journal, Berkane Bouderbala. Le samedi, il se présente dès le matin au commissariat. Deux heures plus tard, l'avocat informe les journalistes que le directeur est sous mandat de dépôt à la prison de Serkadji. Il sera présenté devant la chambre d'accusation le 18 février. Quant au directeur du journal Panorama, Kahel Boussaâd, codirecteur de la publication Iqraa, il comparaît aujourd'hui pour les mêmes motifs. Mohamed Fardjallah, rédacteur en chef d'Essafir, refuse de faire un lien avec l'affaire des journalistes de l'Entv. Il répond: «Nous sommes solidaires avec tous les confrères où qu'ils soient.» Il ajoute toutefois que la publication, qu'il dirige depuis cinq ans, «n'a jamais touché au sacré. On était loin de nous rendre compte qu'on pouvait nous accuser de blasphème envers le Prophète (Qsssl). Accusation que nous rejetons, bien sûr». Il apporte une autre précision concernant la publication mère. «L'imprimerie d'Etat a refusé d'imprimer Essafir en invoquant des dettes impayées», annonce-t-il. La réponse se situerait dans le contenu même de ces publications. Panorama a lancé, il y a cinq mois, le journal Iqraa - à l'image de la chaîne de télévision Iqraa, la plus regardée dans le monde arabe - et a réussi à l'imposer sur le marché. En si peu de temps, elle a dépassé la barre des 200.000 exemplaires. Essafir a fait de même en lançant un journal similaire, Rissala. En quatre numéros, il a atteint le chiffre de 75.000 exemplaires. La concurrence allait s'installer pour profiter à un lectorat avide de sujets alléchants qui traitent de la foi et du sacré. Ainsi, Iqraa et Rissala étaient sur le point de battre tous les records de diffusion jamais égalés depuis l'arrêt du processus électoral. Car, du côté des éditeurs de ces journaux, il s'agit d'un filon comme l'avait été la presse jaune en son temps. Rappelons que les mêmes personnes avaient investi dans la presse jaune jusqu'à épuisement du filon.