Les efforts pour régler le conflit en Libye se sont intensifiés, mardi, avec l'annonce par Moscou d'une trêve prolongée de manière «indéfinie» et celle de la tenue d'une conférence internationale, dimanche, à Berlin pour tenter d'amorcer un processus de paix. L'annonce concernant la trêve est intervenue lors de négociations à Moscou en présence des deux chefs rivaux libyens, qui ne se sont cependant pas directement rencontrés. Et l'un d'eux, le maréchal Khalifa Haftar, a refusé de signer un accord formel de cessez-le-feu dans l'immédiat. Selon Moscou, l'homme fort de l'est libyen, qui tente sans succès depuis neuf mois de prendre la capitale Tripoli par les armes, a besoin de «deux jours» supplémentaires pour étudier le document et en discuter avec les tribus qui lui sont alliées. Fayez al Serraj, le chef du gouvernement reconnu par l'ONU (GNA), l'a lui signé lundi soir. «Le principal résultat de la réunion a été la conclusion d'un accord de principe entre les belligérants pour maintenir et prolonger indéfiniment la cessation des hostilités», a affirmé le ministère russe de la Défense. Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est fait plus menaçant, prévenant qu'il n'hésiterait pas à «infliger une leçon» au maréchal Haftar si ce dernier reprenait son offensive contre le GNA. Outre le cessez-le-feu, qui a débuté dimanche, le projet d'accord prône «la normalisation de la vie quotidienne à Tripoli et dans les autres villes» et l'accès et la distribution «en toute sécurité» de l'aide humanitaire. Ankara soutient M. Al Serraj et déploie même pour ce faire des militaires tandis que Moscou, malgré ses dénégations, est soupçonné d'appuyer le maréchal Haftar avec des armes, de l'argent et des mercenaires. Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a dénoncé mardi «l'engagement militaire» de la Russie et de la Turquie dans le conflit en Libye, dressant un parallèle avec la situation en Syrie. «Les choses nous échappent en Libye», a déploré M. Borrell, lors d'un débat au Parlement européen à Strasbourg. «Nous disons qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit. Mais ce slogan, nous l'avons dit pour la guerre syrienne. Et à quoi avons-nous assisté en Syrie? A une solution militaire. La même situation risque de se reproduire en Libye», a-t-il averti. M. Borrell a accusé Moscou et Ankara de s'être «engagés militairement» en Libye, «avec des flux d'armes et des mercenaires». Sur le terrain la tension reste vive. Sur une de leurs pages Facebook, les pro-Haftar ont affirmé, mardi, qu'ils étaient «prêts et déterminés à obtenir la victoire». Pour poursuivre les efforts diplomatiques visant à parvenir à une résolution du conflit, une conférence internationale sur la Libye sera organisée, dimanche, à Berlin sous l'égide de l'ONU, a confirmé le gouvernement allemand mardi. Plusieurs pays y seront représentés, dont la Russie, la Turquie, les Etats-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, l'Italie, la France, l'Algérie et l'Egypte, mais un doute plane encore sur la participation du maréchal Haftar et de M. Al Serraj, tous deux invités mais dont la présence n'est pas à ce stade confirmée. Cette rencontre, qui se déroulera à la chancellerie allemande, entre dans le cadre du processus engagé par l'ONU pour parvenir à une «Libye souveraine» et pour soutenir «les efforts de réconciliation à l'intérieur de la Libye» même, a indiqué le gouvernement allemand dans un communiqué. Son objectif premier consistera à empêcher tout pays étranger à s'immiscer dans les affaires intérieures libyennes, notamment en terme de soutien militaire. Sur cette base, un embargo sur les armes sera proposé aux participants, a indiqué, mardi, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas. Cette évolution constitue «la condition sine qua non pour qu'il n'y ait pas de solution militaire en Libye, mais une solution politique», a-t-il dit. Car entre l'arrivée sur le terrain libyen de la Turquie, la présence suspectée de mercenaires russes, l'existence d'une multitude de groupes armés — notamment des milices jihadistes —, et celle de trafiquants d'armes et de passeurs de migrants, la communauté internationale craint de voir le conflit libyen dégénérer. L'UE redoute en particulier que la Libye ne devienne une «seconde Syrie» et veut réduire la pression migratoire à ses frontières. Pour Moscou, les Occidentaux sont responsables du conflit en Libye car ils ont soutenu militairement les rebelles qui ont renversé et tué le colonel Maammar El Gueddhafi en 2011. La Russie comme la Turquie ont des visées économiques en Libye, qui dispose des plus importantes réserves africaines de pétrole.