Quoique immuable, le processus s'entourera de toutes les garanties nécessaires aux besoins des populations. «Le processus de privatisation ne pourra en aucun cas être engagé contre l'intérêt des travailleurs. Le gouvernement algérien se fait comme devoir de préserver de la manière la plus ferme les droits et les acquis de tous les travailleurs algériens.» C'est ce qu'a déclaré, hier, M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, dans son discours prononcé à l'occasion de l'ouverture de la 32e Conférence arabe du travail, qui se tient à l'Aurassi. Un message fort, à l'adresse du monde du travail, mais aussi à l'égard d'un front social qui appréhende avec beaucoup de réticence les retombées d'une politique économique libérale. Bouteflika rassure : «Rien ne se fera sans les travailleurs.» Il met en exergue dans ce contexte «l'intérêt très particulier» qu'accorde le gouvernement au dialogue social avec les représentants des travailleurs, saluant sur sa lancée les positions de Ugta. Bouteflika s'est dit «convaincu que les travailleurs algériens sont conscients des causes et des motivations des réformes. Je suppose aussi, ajoute-t-il, qu'ils sont convaincus que c'est une démarche entreprise dans le souci de préserver leurs intérêts». De l'avis du président, les travailleurs sont «un partenaire incontournable» dans le processus des réformes économiques que l'Algérie a engagé depuis cinq ans. Le président décide donc de rompre le silence, en s'engageant d'une manière la plus directe dans un débat qui continue de faire couler beaucoup d'encre. Il bat, dans ce sens, en brèche les thèses de certaines classes politique et syndicale ayant prédit «un drame social si le gouvernement persiste dans sa démarche économique». Faisant allusion à ces discours, le chef de l'Etat a insisté sur le fait que «le gouvernement ne va pas se désengager de l'action sociale». Afin de prouver sa bonne volonté, il affirme: «Je tends ma main aux travailleurs. Je leur dis que je suis votre partenaire, je compatis à votre peine et j'espère que vous n'allez pas me décevoir». La privatisation du secteur public n'est pas une fin en soi : «Si ce dernier est capable de concurrencer et de réaliser des performances, nous serons les premiers à l'appuyer.» En d'autres termes, le secteur public ne constitue pas une cible à éliminer de la sphère économique algérienne, comme le prétendent certains observateurs économiques qui n'hésitent pas d'évoquer «le bradage des richesses du pays au profit d'intérêts occultes». L'autre message à retenir, est que les secteurs productifs resteront sous le contrôle de l'Etat, tels que les hydrocarbures. Par ailleurs, l'Algérie qui s'apprête à signer l'accord d'association avec l'Union européenne et à adhérer l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ne peut rester en marge des mutations mondiales: «Nous sommes dans l'économie de marché, l'Algérie ne peut continuer dans ses anciennes politiques». «Nous devons encourager les privatisations sous différentes formes.» L'Etat qui n'est pas près de se désengager de l'action sociale, estime par contre que l'ère de l'assistanat est révolue. «Les droits de nos citoyens seront préservés dans le cadre de ce que prévoient les lois et la Constitution du pays», «mais ces derniers doivent comprendre que la rente pétrolière a ses limites». Appelant les travailleurs à développer d'autres secteurs de production, le président a appelé le peuple algérien, spécialement les travailleurs, à s'armer de patience: «L'heure de la récolte peut tarder, je suis conscient que les réformes vont engendrer, dans un premier temps, une situation très difficile sur le plan social, mais au terme, les Algériens vont ressentir les profits de cette démarche sur le plan économique.» Hier, le président de la République a défendu bec et ongles les réformes qu'il a initiées depuis son investiture à la plus haute magistrature du pays en 1999 : «Nous avons tenu nos engagements», affirme-t-il. Etayant sa position, le président cite le retour de la paix «après une décennie noire dans laquelle notre pays a été ciblé par un terrorisme atroce qui l'a isolé du monde». Bouteflika a évoqué les indices macroéconomiques «très satisfaisants», enregistrés pour défendre le plan de soutien à la relance économique dont il est le principal instigateur. Citant à ce sujet, la baisse de la dette extérieure algérienne qui avoisine les 19 milliards de dollars contre 40 en 1999, le taux de croissance qui a atteint les 7%, la baisse du taux du chômage (17%), la création d'un million de postes d'emploi. Dans un autre chapitre, en insistant sur le rôle de la femme, le président a précisé que «la Constitution algérienne la met sur un pied d'égalité que l'homme», mais «certaines idées et traditions héritées font qu'elle ne jouit pas de sa véritable place au sein de la société». Approché en marge de la conférence, le secrétaire général de l'Ugta a exprimé «sa satisfaction» quant aux engagements pris par le chef de l'Etat à l'égard du monde du travailleurs: «Nous sommes heureux de constater que le président partage les mêmes avis que nous en ce qui concerne le processus de privatisation.» Dans le même volet, il a précisé que la réunion avec le patronat aura lieu la première semaine du mois de mars, une rencontre préparatoire avec le gouvernement se tiendra probablement le 27 février.