Un nouveau pas dans le travail de la mémoire entre l'Algérie et la France vient d'être franchi par le président français. Dans une interview qu'il a accordée hier, au journal de droite Le Figaro, Emmanuel Macron a évoqué la sensible question mémorielle et, notamment le rapport qu'entretient la France avec la guerre d'Algérie. «Je suis très lucide sur les défis que j'ai devant moi d'un point de vue mémoriel et qui sont politiques. La guerre d'Algérie, sans doute, est le plus dramatique d'entre eux», a assuré le président français. Reconnaissant que ses positions sur ce dossier ont «crispé des gens».«Mais je pense que je les ai ramenés, maintenant, dans une capacité à dialoguer.» En 2017, lors de son passage à Alger en tant que candidat à la présidentielle française, Macron a lâché «une bombe» en qualifiant la colonisation de «crime contre l'humanité», de «vraie barbarie». Des propos qui ont soulevé un tollé de l'échiquier politique français. Macron a évoqué les raisons qui, selon lui, expliquent la complexité d'accomplir le travail de mémoire au sujet de la guerre d'Algérie : «On n'en a pas parlé, on a écrasé. Il n'y a pas eu un travail politique mémoriel […]. On n'a jamais fait ce travail, aussi, parce que le problème c'est que la contrepartie n'est pas là», estime-t-il. Par «contrepartie», Macron entend-il l'Algérie ? Il n'en fournit pas plus de détails. Pour le président français, «c'est une histoire très particulière, d'ailleurs, qui a toujours été au cœur d'une histoire militaire héroïque. C'est ensuite un dialogue très particulier avec l'Algérie». Sans se résigner, il remet le couteau dans la plaie en affirmant clairement que la guerre d'Algérie est tout simplement «un traumatisme dans l'histoire d'Etat. Je veux dire : la guerre d'Algérie, c'est ce qui fait la Ve république. Et donc c'est, dans la vie institutionnelle, politique, militaire française, quelque chose qui pèse». Le président français espère néanmoins parachever le travail de mémoire concernant cet épisode douloureux de l'histoire entre les deux pays même si dans son entretien d'hier, il n'a pas livré de recette pour mettre un terme «au conflit mémoriel». Le Figaro estime que «s'il y parvient, ce sujet aura à peu près le même statut que ce qu'avait la Shoah pour Chirac en 1995». En effet, Emmanuel Macron a fait référence à la reconnaissance, par son prédécesseur, Jacques Chirac, de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs durant la Seconde Guerre mondiale à l'occasion de la commémoration de la grande rafle de juillet 1942 communément appelée «rafle du Vél'd'Hiv». «Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français (…)», avait déclaré Chirac. C'est ce dernier d'ailleurs, qui a ouvert un processus pour dépassionner l'Histoire entre les deux pays. Chirac a reconnu, pour la première fois en 1998, les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata. François Hollande lui emboîte le pas en reconnaissant la répression de la manifestation d'octobre 1961 à Paris, avant de dénoncer la torture dans un discours devant le Parlement algérien en 2012. Dans le même sillage, avec des pas géants, Macron a encore «froissé» des nostalgiques, quand il s'est rendu au domicile de la veuve de Maurice Audin, 61 ans après la mort sous la torture de ce militant communiste victime « du système institué alors en Algérie par la France ».