Le président de la République veut aller vite. Il impose une cadence infernale à ses propres collaborateurs d'abord et à l'ensemble de la classe politique, ainsi qu'à l'ensemble des acteurs sociaux et économiques. Cette dernière semaine, riche en événements, a mis les cadres de l'Etat devant leur responsabilité d'effacer les «zones d'ombre» de la République. Le propos tranchant du président de la République et du Premier ministre, ensuite, ont meublé l'actualité du moment et remis au-devant de la scène des problèmes qui étaient mis sous le boisseau. Mais cette «offensive» auprès des administratifs ne relevait visiblement pas de la tactique politicienne, puisque le chef de l'Etat est revenu à sa première priorité qui est la révision de la Constitution pour définir, encore une fois, le ton et le temps de la réforme. Pas avant la fin de l'été. La profondeur du sujet ne saurait prendre le pas sur les délais, semble vouloir dire le président de la République. Son principal ennemi est visiblement le temps. Abdelmadjid Tebboune s'est donné un calendrier très serré. Il veut qu'avant la fin de l'année, les piliers de la nouvelle République soient mis en place. Une nouvelle Constitution consensuelle où il n'entend pas mettre son empreinte, une nouvelle loi électorale qui fait la promotion d'une nouvelle génération de politiques et des règles économiques en rupture avec l'esprit rentier. Toutes ces actions, Abdelmadjid Tebboune est condamné à les engager parallèlement dans un contexte politique chahuté par une scène partisane très en dessous des aspirations de la société et qui, d'une manière ou d'une autre, a été partie prenante de l'ancien système. Les sorties, parfois énigmatiques, de certains leaders de l'opposition, apportent la conviction qu'ils ne sont pas véritablement dans la dynamique du changement profond. Ils se mettent en posture de «négociants» et tirent sur la corde du Hirak pour «impressionner» l'opinion nationale. Ce «boulet politique» que traîne la société tente d'agir sur le président de la République, pour le mener à une sorte de marais brumeux qui n'arrange que les tenants du statu quo. Face à ces forces de l'inertie, le chef de l'Etat réitère son agenda et annonce clairement la couleur de l'année 2021 qui ne sera manifestement pas la même que 2020. Avec l'entame de l'année prochaine, le président Tebboune espère certainement en avoir fini avec les pratiques maffieuses en matière d'actes économiques, rétablir un minimum de confiance entre la classe politique et la société et donner tout son sens à la solidarité nationale. Ces trois actions que le président de la République a engagées sous le signe de l'urgence ne cadrent visiblement pas avec des agendas partisans, plus proches de l'ancien système que d'une vision prospective de la politique. Abdelmadjid Tebboune, qui n'est pas moins bon observateur que tout le monde en Algérie, a bien compris que les partis traditionnels n'ont pas gagné la confiance du Hirak, que celui-ci attend l'opportunité de secréter son propre personnel politique. Et l'idée de soutenir des initiatives partisanes novatrices dédiées aux prochaines élections législatives anticipées, participe de la volonté présidentielle de faire émerger une nouvelle scène politique, en rupture avec les pratiques du passé et plus proche des aspirations du Hirak, portées par le projet de nouvelle République. Les partis politiques traditionnels qui s'agglutinent derrière l'approche du président de la République, tout en fronçant les sourcils quant à la méthode suivie pour concrétiser un programme très ambitieux, faut-il le souligner, ne trouvent pas les clés d'une posture à même de les maintenir connectés au Mouvement populaire, histoire d'en faire un bâton qu'ils brandiraient au visage du président au cas où. Un double jeu qui vient ternir la pratique politique et les éloigne d'une société qui n'a d'ailleurs lancé aucune corde d'attache à un quelconque courant. Les Algériens, qu'ils manifestent ou pas, attendent ce qu'il sortira de l'agenda du président de la République. Le calendrier serré que s'impose Abdelmadjid Tebboune n'est pas pour les déranger, bien au contraire. L'homme propose un horizon visible. D'ici la fin de l'année, on est censé voir naître la nouvelle République. Entre-temps, il reste à l'Exécutif de donner l'exemple et démontrer que l'on peut moraliser l'acte de gestion, combattre la hogra et la corruption, savoir écouter les doléances des citoyens et donner tout leur sens aux promesses présidentielles.