Le poète fulgurant aura été aussi un romancier. Le poète et écrivain Jean Amrouche est revenu cette semaine chez lui dans cette terre qui l'a vu naître. Pendant trois jours, l'association qui porte son nom et celui de sa soeur a célébré son centenaire en présence des hommes et femmes de culture pour rendre hommage à cet illustre poète-écrivain Jean Mouhoub Amrouche. L'association Taos et Jean Amrouche a organisé cet hommage à un homme d'une telle envergure en dépit du peu de moyens dont elle dispose. M.Abdenour Abdeslam a présenté une communication sur le combat de Jean Amrouche. «Même dans les ouvrages scolaires, on ne retrouve plus les textes de Jean», regrette le conférencier qui invite alors l'assistance à continuer le combat pour que la Maison de la culture de Béjaïa soit baptisée au nom de Taos Amrouche. Dda Yahia Mesbah fera alors état des entraves qu'il a rencontrées pour baptiser une école du village du nom de l'écrivain. M.Abdelkrim Djaad, journaliste-écrivain a animé une conférence sur "Jean Mouhoub Amrouche et son village Ighil Ali". M.Kamel Bouamara, enseignant de Tamazight à l'université de Béjaïa, s'étalera sur les "Chants berbère de Kabylie" de Jean Amrouche. Les conférences se sont tenues à la voûte communale d'Ighil Ali et ont drainé un public nombreux. Des personnalités du monde de la culture y étaient également présentes, telles que Abderrahmane Bouguermouh, Ali Mammeri, Oulahlou, Younès Adli, Brahim Bentaleb, producteur, ancien détenu de 1980, Ferhat imazighen Imoula, chanteur et président du MAK, Malek Houd, poète et Ali Gherbi, représentant des archs de Béjaïa. Le 17 avril 1962, mourut à Paris Jean Mouhoub Amrouche. Il venait d'avoir cinquante-six ans. Jean Amrouche s'est éteint quelques mois avant l'indépendance de l'Algérie, le pays chéri qui a nourri toute son oeuvre poétique et puis plus tard sa carrière de journaliste éminent. Jean Amrouche y est né le 7 février 1906- était l'une des sommités de la France littéraire. Jean Amrouche atteindra même les sommets de la hiérarchie professionnelle puisqu'il sera le rédacteur en chef de la Radio nationale française, responsabilité qui lui sera retirée lorsqu'il parut avéré aux cercles politiques français que de telles responsabilités étaient incompatibles avec l'engagement personnel de Jean Amrouche. C'était alors au plus fort de la guerre et le journaliste ne faisait pas secret de son attachement au pays meurtri. Les honneurs qui l'avaient consacré, la notoriété qu'il avait atteinte n'avaient jamais émoussé chez Jean Amrouche la profondeur de ses racines, même s'il avait conscience que les Français humanistes avaient contribué à forger sa personnalité. Le premier exil de Jean Amrouche, sous la férule de Fadhma, sa mère, avait des motivations économiques. Son cursus devait le conduire à l'enseignement et il occupera de fait des postes à Annaba puis épisodiquement à Sousse, en Tunisie. Le jeune professeur avait trouvé sa voie dans le monde des lettres, depuis peut-être qu'il avait engagé les premières correspondances avec André Gide dont il recroisera d'ailleurs le chemin à Paris, il sera un journaliste influent. Le déchirement identitaire du poète se situe dans ces années-là, à partir de 1940 et de cette conférence sur Jugurtha à Alger, et qui restera une référence, car définitivement elle inscrira la trajectoire de Jean Amrouche dans l'affirmation sereine de ses racines berbères. Ce credo lui valut l'inimitié des cercles de décision dans la hiérarchie politique française de la fin des années 1950 qui eurent raison de Jean Amrouche même si celui-ci avait l'estime du général de Gaulle. Jean Amrouche avait été l'intermédiaire entre le pouvoir français et le FLN, puis le GPRA. C'est de cette période que date la croyance selon laquelle Jean Amrouche avait été l'ambassadeur de l'Algérie combattante auprès du Vatican. Jean Amrouche était issu d'une famille chrétienne de Kabylie. Il manqua alors à son parcours d'avoir vécu avec son peuple le temps de la liberté reconquise. Le poète fulgurant aura été aussi un romancier. Jean Amrouche a porté en effet, depuis Le chant d'Akli, plusieurs projets qui ne virent jamais le jour et à cet égard il n'eut pas la même réussite que sa soeur Marguerite Taos qui elle publia diverses oeuvres romanesques. Ce destin prodigieux n'a pas été salué en son pays lui-même, par la reconnaissance officielle et institutionnelle. On cherchera en vain le nom de Jean El Mouhoub Amrouche dans les espaces où s'incarne la pérennité d'un Etat dont il n'a jamais douté de sa résurgence.