Au moins 33 soldats turcs ont été tués jeudi dans la province d'Idleb dans des raids attribués au régime syrien par Ankara qui a aussitôt riposté en bombardant des positions de Damas, faisant craindre une escalade et un nouveau désastre humanitaire. «A défaut d'agir rapidement, le risque d'une escalade encore plus grande augmente d'heure en heure», a mis en garde le porte-parole des Nations unies Stephane Dujarric, qui a appelé «à un cessez-le-feu immédiat».Lors d'une conversation téléphonique avec le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a «exhorté toutes les parties à une désescalade de cette situation dangereuse, et à éviter que ne s'aggrave davantage la situation humanitaire épouvantable dans la région», selon un porte-parole de l'alliance, dont la Turquie est membre. «Nous soutenons notre allié de l'Otan, la Turquie, et continuons d'appeler à un arrêt immédiat de cette offensive odieuse du régime d'Assad, de la Russie et des forces soutenues par l'Iran», a déclaré pour sa part un porte-parole du département d'Etat américain. Outre les 33 morts, une trentaine de blessés dans des frappes aériennes ont été attribuées par Ankara à l'armée syrienne. Les blessés ont été rapatriés en Turquie pour être hospitalisés, a déclaré Rahmi Dogan, le gouverneur de la province turque de Hatay, frontalière de la Syrie. Le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan a convoqué un conseil de sécurité extraordinaire à Ankara. Signe que la situation risque d'empirer, la Présidence a annoncé que l'armée turque bombardait, hier, dans la nuit des positions syriennes en représailles à la mort des soldats turcs. «Toutes les positions connues du régime (syrien) ont été prises sous le feu de nos unités terrestres et aériennes», a affirmé le directeur de la communication la Présidence, Fahrettin Altun, dans un communiqué. Les lourdes pertes essuyées par Ankara jeudi interviennent après des semaines de tensions croissantes à Idleb entre les forces turques et syriennes, qui se sont affrontées à plusieurs reprises. Ces bombardements meurtriers, qui portent à au moins 53 le nombre de militaires turcs tués à Idleb en février, risquent en outre de creuser un fossé entre Ankara et Moscou, principal soutien du régime syrien. Un nouveau round de pourparlers entre Russes et Turcs visant à trouver une issue à la crise d'Idleb s'est achevé jeudi à Ankara, sans annonce de résultat concluant. Avec le soutien de l'aviation de Moscou, Damas a déclenché en décembre une offensive pour reprendre le dernier bastion terroriste d'Idleb. Le gouvernement syrien et son allié russe ont mis les bouchées doubles ces dernières semaines et repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie. Cependant, les groupes rebelles, dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). En reprenant cette ville, les factions terroristes dont certaines sont appuyées par la Turquie coupent l'autoroute M5 reliant la capitale Damas à la métropole d'Alep (nord). Dans le cadre d'un accord conclu en 2016 moyennant finances (3 milliards d'euros) avec Bruxelles, Ankara s'est engagé à empêcher les passages de migrants vers l'Europe, notamment via la Grèce. Mais jeudi, le porte-parole du parti présidentiel AKP, Omer Celik, a affirmé que la Turquie n'était «plus en mesure de retenir» les migrants qui voudraient se rendre en Europe, tout en soulignant que la politique migratoire d'Ankara n'avait «pas changé». L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a jugé pour sa part que «la seule solution à long terme, c'est de chasser les terroristes du pays». Hier, le ministère russe de la Défense a affirmé que les soldats turcs tués jeudi avaient été touchés car ils se trouvaient parmi des «unités combattantes de groupes terroristes». Affirmant que la Turquie n'avait pas communiqué la présence de ses troupes dans la zone concernée et qu'elles «n'auraient pas dû s'y trouver», le ministère russe a en outre estimé que les forces aériennes n'avaient «pas été utilisées dans cette zone». Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont discuté au téléphone après la mort d'au moins 33 soldats turcs dans le nord-ouest de la Syrie, a annoncé Sergueï Lavrov. Ce coup de fil a eu lieu à l'initiative d'Ankara, a précisé le chef de la diplomatie russe qui a présenté ses condoléances à la Turquie, assurant vouloir éviter que de «telles tragédies» se reproduisent et que Moscou «fait tout pour assurer la sécurité des soldats turcs» déployés en Syrie.