Benflis boucle aujourd'hui sa première année à la tête du gouvernement. Cela ne constitue pas un record en soi, mais l'opinion aura découvert, entre août 2000 et août 2001, un nouveau style de gouvernance qui tranche avec celui de ses prédécesseurs. Faisant du dialogue un moyen privilégié de gouverner, Benflis a été l'un des rares Premiers ministres à ouvrir grandes les portes du palais du gouvernement. C'est ainsi que l'une des premières actions concrètes du Chef du gouvernement est la tenue de la tripartite, après un gel de deux ans, qui a réuni UGTA, patronat et pouvoirs publics autour d'une même table. Dans la palette des initiatives prises et qui confortent l'option du dialogue et de la concertation chère à Benflis, notons ses prises de position en faveur de l'ouverture au partenaire social sur des questions qui touchent à de larges franges de la société, quitte à froisser certains de ses ministres. Il en était ainsi pour le projet de réforme de la sécurité sociale de Aboudjera Soltani qui a été mis en minorité par Benflis, ce dernier ayant tranché, en dernier recours, en faveur de l'UGTA qui a émis de lourdes réserves, du reste justifiées, aux propositions du ministre. La même attitude a conduit le Chef du gouvernement à remettre l'avant-projet de loi de Temmar au partenaire social pour étude et enrichissement, après que ce dernier eut contesté le fait de ne pas avoir été consulté sur le sujet. La même démarche a aussi été retenue en ce qui concerne la loi sur les hydrocarbures. Le recours systématique au dialogue entre partenaires pour désamorcer des situations conflictuelles est, en quelque sorte, une première dans l'histoire de la République. Benflis se distingue par rapport à ses prédécesseurs par cette aptitude à écouter toutes les doléances sans se faire de préjugés sur des dossiers, aussi lourds soient-ils. La réforme de la justice est sans conteste le plus gros morceau de l'ère Benflis. Géré par un ministre d'Etat, en la personne de Ahmed Ouyahia, le dossier qui commence à soulever des protestations, n'a pas échappé à la logique de concertation dont le Chef du gouvernement semble faire sa ligne de conduite. C'est ainsi que les avocats qui contestent les réformes ont été entendus par Benflis. Après près d'une année de gouvernance, le style Benflis a porté ses fruits, puisque les différents conflits UGTA-pouvoirs publics ont trouvé des issues salutaires et l'on peut vraisemblablement évoquer sérieusement la reprise économique, dès les mois à venir, grâce notamment au programme de relance et à l'entrée en vigueur effective des réformes économiques, après que les différends eurent été aplanis entre les ministres chargés des réformes et les partenaires sociaux. Ces mêmes réformes étaient au point mort à la prise des fonctions de Benflis à la tête du gouvernement. En effet, en août 2000, tous les projets confectionnés par les ministres de la République étaient en situation de blocage, que ce soit celui de Temmar, de Soltani ou de Khelil. L'opposition de l'UGTA au libéralisme prôné par les «réformateurs» et les discours des uns et des autres n'offraient aucune autre alternative que l'affrontement sur le terrain politico-médiatique. Ce qui a eu pour effet la tétanisation du pays, dans un dangereux status quo qui faisait fuir tout investisseur étranger. Les observateurs constatent qu'en une année, tous les dossiers brûlants ont été rouverts et l'ambiance est actuellement à l'entente entre les partenaires. Sur le plan économique donc, il y a lieu d'affirmer que l'essentiel a été fait, il reste l'application sur le terrain. Sur le plan politique, l'année politique écoulée a été riche en événements. Le paysage politique s'est fortement ébranlé avec les événements de Kabylie qui ont été ressentis au gouvernement avec le départ du RCD de la coalition. Hormis défection, il faut dire que les soubresauts politiques n'ont pas eu d'effet sur la cohésion d'un gouvernement dont les tendances qui le composent se mènent une guerre sans merci au niveau d'autres institutions, telle l'APN où RND et MSP en sont presque arrivés aux mains pour une histoire d'élection d'un représentant de l'APN au Conseil constitutionnel. Cet épisode, comme tant d'autres, n'a pas influé sur la marche de l'équipe Benflis qui semble faire montre de solidarité gouvernementale en toute circonstance. En fait, l'un des aspects intéressants du style Benflis, c'est qu'il a réussi à ouvrir l'institution qu'il dirige au dialogue sans tomber dans le «dialoguisme» stérile.