Les organisations non gouvernementales estiment que les restrictions doivent être levées. L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a écrit au président du Parlement européen Josep Borrell, à la veille de sa visite officielle en Algérie, pour le sensibiliser à « la situation préoccupante de la liberté de la presse dans ce pays ». Cette démarche de RSF vient emboîter le pas à la déclaration conjointe signée par Amnesty International, Human Rights Watch, le Centre international pour la justice transitionnelle et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. Ces quatre ONG stigmatisent les textes de loi portant réconciliation nationale et estiment que ces lois vont désormais empêcher tout débat sérieux sur la tragédie algérienne. Le 27 février, le conseil des ministres, réuni sous la présidence d'Abdelaziz Bouteflika, a approuvé le «décret de mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale», évitant ainsi un débat et un vote au Parlement, qui n'est pas actuellement en session. «Le contenu de la loi n'a pas été divulgué avant son adoption». D'après les organisations signataires, les mesures favorisant l'impunité contenues dans cette loi constituent un revers majeur pour les droits humains en Algérie. Ces mesures incluent notamment une amnistie généralisée étendue aux membres des forces de sécurité et, vraisemblablement, des milices armées par l'Etat. De même, elle élargit les précédentes mesures d'amnistie partielles aux membres des groupes armés. Tous sont responsables de crimes au regard du droit international et d'autres graves atteintes aux droits humains, et n'ont pas, à ce jour, fait l'objet d'enquêtes. Le gouvernement a présenté cette loi comme «mettant en oeuvre» la «Charte pour la paix et la réconciliation nationale» du président Bouteflika, charte que les électeurs algériens ont approuvée lors d'un référendum le 29 septembre 2005. Cependant, le texte de la charte ne mentionnait pas expressément d'amnistie pour les membres des forces de sécurité, ni n'apportait une couverture pour les islamistes impliqués dans des assassinats, des viols et le dépôt d'explosifs dans des lieux publics. Au contraire, les lois excluaient de toutes les mesures de grâce ou d'apaisement ceux qui se sont rendu coupables de crimes graves avérés. Cependant, le point qui a constitué un motif d'inquiétude pour les journalistes, chercheurs et autres historiens est celui qui pénalise tout écrit jugé diffamatoire envers les acteurs de la guerre civile. Vu sous cet angle-là, le texte de loi en question constitue une véritable épée de Damoclès qui peut s'abattre sur sa cible à tout moment. Les textes de loi viennent à peine d'être publiés et diffusés et il est attendu qu'ils vont soulever, chemin faisant, de vifs débats et des polémiques passionnées.