«Notre façon de triturer et d'extraire l'huile obéit à une tradition. La récolte d'olives tire à sa fin avec pour cette année, un rendement des plus faibles en plusieurs endroits. Une visite à certaines huileries du massif central kabyle donne une image de ce qu'est ce travail aussi pénible que désormais très peu rentable de la cueillette de ce fruit. Debout dans son huilerie traditionnelle sise à la gare des Maâtkas, un lieudit sis à environ une dizaine de kilomètres avant d'arriver à Boghni sur le CW 128, ammi Ali, un petit vieux sec et robuste, se plaint. «Le rendement est des plus faibles cette année et l'huile va certainement grimper sur le marché.» Et ammi Ali de nous faire visiter son huilerie. Une vieille huilerie avec quelques pressoirs datant d'avant-guerre et une meule entraînée par un moteur. Dans le coin une cheminée fonctionnant au bois chauffe l'eau qui va servir à mouiller les scourtins au pressoir. Et enfin une cuve dans laquelle va s'écouler l'huile provenant des pressoirs. Dehors un tas de grignons et une rigole menant vers la rivière où s'écoulent les margines. Pour ammi Ali, la pollution de l'environnement est tout simplement du chinois. «Il faut bien jeter à la rivière, cela personne ne m'avait dit auparavant que cela pouvait servir.» Autant dire qu'il vaut mieux ne plus parler de cela. L'huilerie d'ammi Ali est si vieille mais si efficace car elle rend de signalés services aux populations alentour. Selon lui «au départ, les gens se sont empressés de se rendre à l'huilerie moderne même si celle-ci est assez éloignée, mais après avoir goûté l'huile extraite, ils ont vite fait de revenir ici. Le fruité de notre huile est justement dû à la façon de faire qui est aussi ancienne que le métier.» Et ammi Ali d'expliquer: «Notre façon de triturer et d'extraire l'huile obéit à une tradition; ce qui a changé c'est le fait que les meules soient entraînées non pas par des mulets mais par un moteur». Dehors ammi Ali se désole: «Avant, dans les années 1950, une entreprise sise à Draâ Ben Khedda venait et achetait les grignons pour en extraire le reste des huiles et en faire du savon. Le reste étant travaillé pour devenir un complément pour aliment du bétail. Aujourd'hui, les grignons ne sont plus utilisés que pour le chauffage, c'est malheureux.» En aparté, un paysan s'approche et affirme : «S'il nous fallait compter les grosses peines que les familles subissent pour récolter les olives et les amener au pressoir, je vous assure que ces fruits resteraient aux champs. Aujourd'hui, il se trouve des gens qui trouvent que l'huile est chère.» Le temps d'une visite à cette huilerie nous replonge dans le monde des peines et de la sueur. Des efforts déployés en permanence pour que cette huile au goût sans pareil et au reflet jaune d'or vienne relever les mets. L'olive et l'huile sont des produits qui méritent plus que tout autre l'attention de tous. Le pays qui auparavant arrivait à exporter sur les places européennes un produit de qualité se doit de reprendre pied sur ces marchés pour le plus grand bien de l'économie nationale et des paysans.