La situation n'a cessé de se dégrader ces dernières semaines au sud de l'Afghanistan où la violence et les combats sont devenus quasi quotidiens. Le spectre de la violence est-il de retour en Afghanistan où les taliban semblent retrouver leur second souffle? Tout le laisse supposer à la lumière des événements de ces dernières semaines et la dégradation de la situation au sud de l'Afghanistan où la violence a repris ses droits depuis les mois d'octobre et novembre, alors qu'il ne passe plus de jours sans que ne soient signalés des accrochages entre forces de l'Isaf (force de sécurité internationale, sous l'égide des Nations unies) appuyées par l'armée nationale de l'Afghanistan, et rebelles afghans dont les attaques sont devenues de plus en plus meurtrières. Les cibles des talibans sont généralement les représentations locales de l'Etat afghan qui font l'objet de harcèlement des rebelles repliés dans les contreforts des montagnes du Sud afghan. Cette évolution de la situation, avec notamment les morts, ces derniers jours, de soldats français et canadiens, lors d'accrochages avec les rebelles taliban, a suscité l'inquiétude de la mission des Nations unies en Afghanistan (Unama) qui se fait l'écho de l'appréhension qui gagne les milieux politiques et militaires de Kaboul. Dans une déclaration faite hier, le porte-parole de l'Unama, Adrian Edwards, a fait part de son inquiétude quant à l'actuelle détérioration de la situation dans le sud du pays indiquant : «Oui, nous sommes inquiets», a-t-il affirmé répondant aux questions de la presse. «Cela semble bien montrer une tendance à la hausse» des incidents, relevant le fait qu'il y a eu «douze attentats-suicide depuis le début de l'année» et de préciser: «Cela semble également être une menace différente, plus sophistiquée, avec des bombes artisanales et des attentats-suicide. Certains incidents sont liés à la rébellion et au terrorisme, d'autres au crime organisé». Tirant les conséquences qui peuvent découler de cette nouvelle situation, M.Edwards a estimé que «cet environnement rend sans aucun doute bien plus difficile le travail de reconstruction et de développement» et de conclure «mais nous espérons toutefois continuer à étendre nos activités dans le pays, le facteur risque étant partie intégrante de nos programmes. La sécurité est un des points centraux du programme de développement de l'Afghanistan adopté fin janvier à la conférence de Londres, et l'ensemble des acteurs doivent travailler ensemble pour régler ce problème». Quant à l'évolution de la situation, les observateurs n'ont pas manqué de relever que la détérioration d'ensemble s'est accentuée depuis la relève des forces américaines à Kandahar par celles du Canada. L'armée canadienne qui a pris mardi position dans l'ancien fief du Mollah Omar Moudjahid -introuvable depuis la chute de Kandahar en décembre 2001- a essuyé maintes attaques des rebelles taliban. Comme elle fut celle du contingent américain, la mission des forces canadiennes est d'éradiquer le terrorisme de Kandahar et de sa région encore fortement soumises à l'emprise taliban. Environ 2.300 militaires canadiens sont affectés à cette mission. Depuis leur déploiement en 2002, neuf militaires et un diplomate canadiens ont été tués. On signalait également la mort, samedi, d'un officier français tué lors d'un «engagement armé» dans cette région instable du Sud afghan. Cette même instabilité prévaut de l'autre côté de la frontière, au Pakistan, où des combats à l'arme lourde opposent depuis vendredi des troupes pakistanaises aux tribus retranchées dans les montagnes soupçonnées de cacher les dirigeants d'Al Qaîda, à leur tête l'imprenable Ben Laden, et, sans doute aussi, le Mollah Omar introuvables depuis la chute du pouvoir taliban à la fin de 2001. Comme par hasard, les combats entre l'armée pakistanaise et les militants islamistes ont débuté à la veille de la première visite du président américain, George W.Bush, au Pakistan. Manière pour Islamabad de montrer à son illustre hôte sa détermination à mettre un terme à l'existence sur son territoire d'une entité qui échappe à l'autorité centrale. Les combats se poursuivent trois jours sans que l'armée pakistanaise soit en mesure d'estimer le bilan des engagements qui l'opposent aux islamistes. Toutefois, selon le porte-parole du gouverneur de la Province-Frontière du Nord-Ouest (NWFP), une centaine de militants islamistes auraient été tués lors des combats à Miran Shah, principale localité de la province du Nord-Warizan indiquant: «Les informations des services de renseignement et celles reçues de sources locales indiquent que plus de cent militants ont été tués dans les combats à Miran Shah». Les autorités ont imposé un couvre-feu à Miran Shah (250 km au sud-ouest d'Islamabad) où les combats se sont poursuivis hier pour la troisième journée, a-t-il ajouté. De fait, les régions montagneuses du nord Pakistan et du Sud afghan, servent de refuges inexpugnables aux rebelles taliban et islamistes pakistanais rendant ardue et difficile la mission de rétablissement de la sécurité dans ces régions frontalières, symboles de résistance aux autorités locales et de l'opposition des tribus, farouchement indépendantes, réfractaires à toute soumission à Islamabad ou Kaboul.