Un ras-le-bol perceptible à l'intonation de la voix, une douleur perçue à la narration, telle a été la prestation de Sonia en cette soirée hivernale... Sonia nous est revenue ce soir-là à Ibn Zeydoun, plus forte et plus expressive que jamais, mais également plus émue et plus virulente qu'à l'accoutumée, mais toujours fidèle à elle-même. Sonia, dans son monologue intitulé Hata l'tem qui se voulait un regard souvent amusé mais surtout critique et réprobateur sur la société algérienne en ce début de siècle où, à son grand désarroi, les valeurs et les principes n'ont plus de place... Après Hadria oua el Haouès, Les saltimbanques et Nuit de divorce, cette révoltée de la scène théâtrale renoue avec le monologue par un texte de Nadjet Taïbouni, mis en scène par Richard Demarcy et l'interprète elle-même qui a, en l'espace d'un peu plus d'une heure, exprimé la malvie et le triste vécu de personnages appartenant à la vie de tous les jours et chacun dévoile une partie cachée ou tirée de son quotidien. Hata l'tem, cette expression si populaire et si utilisée de nos jours pour dire que «tout va bien», quant tout est impeccable, que tout est beau dans le meilleur des mondes, sort en fait de la bouche d'un médecin psychiatre, qui voit défiler dans son cabinet des patients qui viennent extérioriser leurs angoisses, exprimer leurs fantasmes ou déverser le dégoût de leur quotidien. Pour cette fois, elle décide de s'approprier la journée en refusant de voir ses patients leur suggérant de se regarder tout simplement dans le miroir... Par contre, elle s'auto-psychanalyse en se référant à ses patients qui chacun lui rappelle une douleur... Entre une diseuse de bonne aventure, «guezana» qui lui reproche de prendre sa place et menace de le lui faire payer cher par ses tours de «guezanerie», un voisin gênant qui lui crache sa hargne, mais finit par s'adoucir jusqu'à lui promettre une vie merveilleuse à deux, une ex-assistante reconvertie en bonne prêcheuse qui voudrait la remettre sur le droit chemin et un personnage «2 en 1» qui ne sait plus si on doit l'appeler El Hachemi Ould Mabrouk ou Latifa bent Tassaâdit et d'autres personnages complexes que ce soit dans une vie compliquée et se retrouvent dans un labyrinthe indescriptible, la psychanalyste ne sait plus où donner de la tête et se retrouve elle-même contrainte de se doper avec des calmants et somnifères pour pouvoir tenir le coup... C'est dire la complexité du quotidien et tout le désarroi d'une population qui perd ses repères, d'une jeunesse qui va à la dérive, d'intellectuels et hommes de savoir qui ne se retrouvent plus dans ce tas de médiocrité et d'abus autorisés... Pour information, dans le cadre de la célébration du 8 mars, Sonia récidive demain à 15h à la salle El Mougar.