Incessantes et multiples, de petites rigoles n'ont pas connu un seul instant de tarissement depuis la brutale invasion coloniale survenue le 5 juillet 1830. Assemblées au fil des ans dans le long fleuve de l'Histoire jamais tranquillisé, ces venelles se transforment en torrent révolutionnaire qui emportera par son déferlement le joug colonial. «Oui Algérie», un recueil de poèmes écrits par Kaddour M'Hamsadji entre 1951 et 1954 et d‘autres durant la guerre de libération, est l'une de ces venelles née sur fond du cruel ordre colonial. Des larmes: Est-ce que je pleure Mon front est haut plus haut que la muraille Plus clair plus blanc que la neige sur mes frères meurtris - Oui Algérie Est-ce que je crie Ma voix est dans ta voix dans ta bouche dans ton coeur enfouie -Oui Algérie Est-ce que je souffre Ma chair est grillée sur vos corps mes frères puis dans vos bras ma civière je repose sous la pluie - Oui Algérie Des poèmes engagés, des vers ciselés dans un magma de mélancolie, d'amour et d'aspiration à la liberté qui nous invitent à explorer un passé tourmenté d'une société dépossédée par un ordre colonial cruel. Des poèmes qui figent des rêves, transmettent des émotions et restituent des cris juvéniles, mais aussi des dates historiques de la brutalité de l'occupation, c'était le 8 mai 1945: Sétif en mai Sétif meurt en mai L'armistice est signé Et Paris est si gai aux bords de la Seine. La mitraille coud en chaîne De beaux linceuls aux Algériens Qui tendent leurs gandouras Au lieu de cueillir le muguet De servir à table du vin De dormir au milieu des conquêtes quotidiennes. Nous sommes purs comme le jour à sa naissance Et nous sommes ce que les autres font de nous Du sang du sang et quelquefois des cendres. Muet sacrifice sous le soleil national Explosion de joie sous le ciel gris de Paris Jamais des yeux différents ne se fermeront sur la même image Le livre est un vaste chant d'amour pour la patrie torturée. Le peuple algérien a opposé à l'invasion coloniale une résistance multiforme. Guerrière, politique sociale, et culturelle. Une résistance qui culmine le 1er novembre 1954 par le déclenchement de la Guerre de Libération nationale. Un entrefilet paru dans la presse coloniale brusque sa sensibilité et qui disait en substance: « Une insurrection armée, déclenchée la veille par une poignée de hors-la-loi»... À ces mots blessants, le jeune colonisé dégaine sa plume par un poème- réplique: «Façonnée dans les forges du courage, cette poignée devint, en quelques semaines vigoureuse, l'expression magique d'une conscience éveillée, le poing prodigieux d'une Révolution organisée et efficiente. Sur tout le territoire, une seule clameur montait à l'horizon avec le soleil: ALN-FLN, et un seul silence, le soir remuait les cendres vivantes des premiers martyrs de la Libération nationale...»