La montée des périls dans la région sahélienne est perçue, par bon nombre de capitales, sous le seul prisme de la menace terroriste, suite à la nette recrudescence des attaques menées par différents groupes extrémistes, qu'ils se revendiquent d'al Qaïda, de Daesh ou d'une obédience jihadiste autre. Aux attaques de ces mouvements qui se meuvent dans les pays sahéliens avec une facilité évidente, répondent des ripostes du G5-Sahel, que ce soit à travers le bloc militaire des trois principaux pays visés ou la force française Barkhane. Mais, de toute évidence, on est loin d'une éradication du phénomène qui, au contraire, se nourrit de cette course-poursuite continue. Plus grave, les factions terroristes sont parvenues à semer les germes de la division au sein de groupes ethniques qui coexistaient, pendant des décennies, au Mali et au Burkina, notamment de sorte que les Peuls et les Dogons se livrent à des massacres répétés qui n'épargnent ni les enfants, ni les femmes, ni les vieillards. Le but de cette discorde est évident. Les extrémistes y trouvent une opportunité, non seulement en termes d'intendance et de renseignement, mais, aussi, en terme de mobilisation sous leur bannière d'un nombre croissant de jeunes. On voit mal, dans ces conditions, quelle perspective pourrait se dessiner, à moyen comme à long terme, alors que la Covid-19 est venue exacerber les paramètres de la crise dans cette région. Les efforts de l'Union africaine et de l'ONU paraissent, malgré tout, dérisoires par rapport à la complexité des enjeux et à la dangerosité de la situation pour les pays sahéliens que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso et, surtout, la région dite des trois-frontières, le Liptako Gurma. Pour des raisons évidentes, le Tchad ou le Cameroun ne sont pas logés à la même enseigne, même s'ils sont en première ligne face aux coups de boutoir des groupes terroristes venus du Nigeria, Haram et son pensant l'Iswap. Or, dans ce contexte préoccupant, apparaît une autre crise, encore mal cernée mais dont les prémices indiquent qu'elle va connaître une dimension et un impact majeurs sur la progression exponentielle du terrorisme. Il s'agit de la crise humanitaire qui est, déjà, quasiment ingérable dans le Sahel central, ainsi que l'a signalé le Programme alimentaire mondial (PAM) qui estime à plus de 5 millions les personnes susceptibles d'être confrontées à une terrible tragédie, en plus de l'insécurité ambiante dans la région. Sous le triple feu de la pandémie, du terrorisme et de l'insécurité alimentaire, toute la région sahélienne est condamnée à traverser une crise ingérable, puisque le PAM prévoit, rien qu'au Burkina, que le nombre des victimes de l'insécurité alimentaire va doubler, le pays étant déjà le plus affecté par le Covid-19 (d'un peu plus 1 million, à l'été 2019, il serait de 2,1 million, désormais). Au Mali et au Niger, ils sont respectivement 1,3 et 2 millions dans un état de besoin extrême. Si on prend en compte le nombre des déplacées par les attaques terroristes et les affrontement ethniques, multiplié par quatre, en deux ans, pour tout le Sahel central, on mesure l'ampleur de la catastrophe annoncée et ses conséquences évidentes sur les pays limitrophes.