Tout en réhabilitant les cadres dénigrés, le patron de la police compte sévir contre les policiers indélicats. Ce n'est désormais plus un tabou. Le corps de la Sûreté nationale, au même titre que les autres secteurs n'est pas à l'abri de poursuites judiciaires. Après le terrorisme, pour lequel la police a payé un lourd tribut, la Dgsn se consacre à ses nouvelles missions : assurer la sécurité du citoyen et recouvrer sa confiance, à travers des actions de proximité concrètes. Aussi, le respect des règles éthiques régissant ce secteur sensible s'impose. Cependant, comme le ver est dans le fruit, même l'institution comptant pas moins de 150.000 hommes, est exposée à la tentation de la corruption ainsi qu'à diverses formes de malversations. En effet, l'arrestation et la mise sous mandat de dépôt, dimanche dernier, de quatre cadres de la Dgsn, qui interviennent moins d'un mois après une autre affaire aussi scabreuse que celle de l'ex-chef de sûreté de la wilaya d'Alger, accusé de trafic d'influence, ne fait en fin de compte que redorer le blason de cette importante institution sécuritaire. Dans ce nouvel épisode, les mis en cause, à savoir l'ex-directeur des moyens techniques, deux officiers et une femme, sont accusés de «détournement de deniers publics, utilisation de deniers publics à des fins personnelles, passation de contrats contraires à la législation et faux et usage de faux en écriture publique». Au niveau de la Dgsn, on relève qu'il n'y a pas lieu de s'alarmer sur cette affaire. Contacté par nos soins, le commissaire Khaled Amara, chargé de la communication à la Dgsn, après avoir confirmé l'information faisant état de poursuites judiciaires contre les quatre cadres, estime que «nul n'est au- dessus de la loi, et le corps de la police n'est pas à l'abri de poursuites». Plus jamais ça ! dirait M. Ali Tounsi, qui avait, rappelons-le, ordonné, il y a deux ans, la destruction des «dossiers noirs» entrant dans le cadre des enquêtes d'habilitation établies par les renseignements généraux. L'affaire avait été révélée par Ali Tounsi en personne, le patron de la Dgsn demandant à ses services de se montrer à l'avenir plus rigoureux dans leurs investigations et d'étayer avec des preuves convaincantes les assertions développées dans leurs rapports. A travers ces pratiques antérieures des renseignements généraux, des milliers de cadres ont été salis par des rapports de police approximatifs et par là même privés d'accès à des postes supérieurs dans l'administration. En effet, «un faux renseignement glissé sciemment dans un dossier équivaut à trente ans de sanctions», s'insurgeait le Dgsn. Ainsi, tout en réhabilitant les cadres dénigrés, le patron de la police compte sévir contre les policiers indélicats. Il convient de rappeler que les dernières arrestations ne sont que la face visible de l'iceberg, puisque des enquêtes judiciaires ont été ouvertes à travers plusieurs wilayas à l'encontre de hauts cadres de la Sûreté nationale. En janvier 2005, un commissaire de police et un officier ont été interpellés par la Police des frontières (PAF) alors qu'ils s'apprêtaient à faire passer le contrôle à une femme, en partance pour Alicante, munie d'un faux passeport et d'un faux visa. Déchus de leur statut d'officier de police judiciaire et suspendus de leurs fonctions, ils étaient mis en instance de radiation alors que la durée de leur garde à vue a été prolongée pour les besoins de l'enquête. Il est clair que l'adoption, l'année dernière, par le Parlement de la loi relative à la corruption, avait «inspiré» le directeur général de la Sûreté nationale. «La police algérienne va prendre en compte les péripéties de leurs carrières tout en respectant l'Etat de droit», affirmait-il lors de l'une de ses sorties. Pour rappel, l'avant-projet de loi sur la corruption, prévoit cinq dispositions, dont les principales sont destinées à promouvoir l'intégrité et la transparence dans la gestion des affaires publiques, l'institution d'un organe central de prévention et de lutte contre la corruption, disposant de larges prérogatives, l'aggravation des sanctions prévues par le code pénal contre la corruption, le trafic d'influence et enfin l'introduction de nouvelles incriminations telles que l'enrichissement illicite.On se souvient qu'il y a quelques mois, l' ONG Transparency International avait dressé un réquisitoire sévère sur la corruption dans un certain nombre de pays dont l'Algérie, observant au passage que parmi les corps constitués les plus atteints par le fléau figuraient le plus souvent les institutions policière et judiciaire. Compte tenu du fait que leur activité offre un champ large aux tentatives de subornation et à la corruption sous diverses formes, il est également important de souligner que la première mesure en vue de protéger et de soustraire les policiers et les magistrats à ce fléau concerne leur sécurisation en matière de salaires, de plan de carrière et de transparence dans la promotion. Un vrai challenge pour Ali Tounsi qui s'est attelé à la tâche avec beaucoup de conviction.