Des jeunes ont brûlé des pneus et dressé des barricades. Tentative d'émeute selon les uns, expression de frustration selon les autres. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas eu le moindre affrontement, hier matin à Réghaïa (est d'Alger), selon les services de la police urbaine. Les commerçants en colère du centre commercial qui a fait objet d'un incendie, dans la nuit de mardi à mercredi, affirment n'avoir pas été à l'origine des escarmouches de la matinée, près de la place du marché. Toutes les versions entendues, à commencer par celle du gardien du marché, vont dans le sens d'un incendie volontaire. Sur place, à 10 heures passées, citoyens curieux, marchands courroucés, policiers, fumée, pneus brûlés et Protection civile... Tout le scénario d'un quotidien peu ordinaire sur la place du marché et des quartiers environnants. Durant la nuit de mardi à mercredi, témoigne un citoyen, les lieux étaient occupés, de minuit jusqu'au matin, par les éléments de la police, les commerçants et les voisins. La tension est montée d'un cran, poursuit notre interlocuteur, la quarantaine. Des jeunes ont brûlé des pneus et dressé des barricades pour annoncer le début d'échauffourées. La tentative a été déjouée illico et le président de l'APC, ajoute notre interlocuteur, a promis de recevoir une délégation des commerçants touchés par l'incendie. Le témoignage à prendre en compte est donc celui du gardien du marché. D'ailleurs, il est le premier à avoir été entendu par la police. Selon Tarik, le gardien, l'un des commerçants qui était dans un état d'ivresse menaçait, vers les coups de minuit, d'incendier le marché. «Quand il est passé à l'acte, j'ai pu mettre fin au premier foyer, mais vite, j'ai su que deux autres endroits étaient pris par les feux», a-t-il précisé. Incapable d'agir seul, Tarik assure avoir contacté la police mais le feu a vite ravagé une partie du marché. Une deuxième interprétation se fait entendre. «Le criminel n'était sans doute pas seul et le feu a été aussi rapide car il y a eu l'utilisation de liquides inflammables», pense Brahim car, d'après lui, le feu, sans liquides inflammables, ne pourrait pas s'étendre aux produits agricoles. Les commerçants, en colère, voulaient à tout prix exclure la thèse d'un simple incident dû à une masse électrique. Vers 10h 30, une foule importante tournait autour des amas et des tôles grises et de nouveaux incidents étaient à craindre. C'est alors que des éléments de la police commençaient à disperser la foule pour éviter le moindre débordement. Car, trois personnes sont déjà blessées à la suite de l'incendie. Le terrain du marché faisait, explique Sofiane, l'un des commerçants, l'objet d'une plainte introduite auprès de la justice. L'APC, poursuit-il, a délivré des arrêtés au profit des commerçants en 1994 qui devenaient depuis titulaires de «documents officieux». L'APC de Réghaïa a, paraît-il, loué le terrain plus tard à une société appelée Tadjir, en référence à un document présenté par Brahim. Il y a quelques jours seulement, les commerçants étaient destinataires d'une notice placardée par les services de l'APC demandant aux marchands de ne plus verser les frais de location à la société Tadjir. Une délégation de quatre commerçants, à en croire Brahim, s'est rendue chez le maire, mais celui-ci, affirme-t-il, n'a promis qu'une aide pour nettoyer les lieux et permettre une nouvelle installation. Au-delà d'une affaire qui a failli dégénérer pour se transformer en émeute, ressurgit l'autre question dite d'activité informelle. Car, et c'est à souligner, les 49 commerçants recensés au niveau de ce marché de Réghaïa sont sans déclaration aux assurances et risquent gros. D'autant plus que, dans des cas pareils, l'Etat n'est pas habilité à indemniser. Vers les coups de 11h30, la police scientifique fait son apparition et les agents de l'ordre ferment alors tous les accès du marché afin de permettre un bon déroulement des investigations approfondies. Tout au long de la journée, la tension a persisté et les attroupements autour du marché se sont poursuivis, de nombreux jeunes parlant de saisir l'opportunité afin d'exprimer leur mécontentement quant à la gestion du problème des commerçants par la municipalité. Cependant, le dispositif de sécurité est resté déployé, dissuadant dans l'ensemble les jeunes et les commerçants de toute action plus ou moins violente. Reste qu'à la tombée de la nuit, tout peut encore arriver.