Après une dizaine de jours d'attente et de tractations intra et inter-patisanes, on attendait pour hier soir, à vingt heures, l'annonce du nouveau postulant au poste de chef du gouvernement, en remplacement d'Elyes Fakhfakh qui est, quant à lui, en butte à de sérieuses difficultés, au lendemain de la publication par la commission parlementaire chargée d'enquêter sur sa compromission dans les affaires d'un véritable réquisitoire dûment argumenté. Les échanges d'amabilités plus ou moins acides entre Fakhfakh et Ghannouchi ont nourri les derniers jours d'attente avant que le président tunisien Kaïs Saïed ne divulgue sur la page Facebook de Carthage l'identité du futur chef de l'Exécutif. Rached Ghannouchi, indifférent en apparence à la vague de contestation qui cible sa présence au perchoir de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), a déclaré, hier, que les éléments alignés par la commission d'enquête dans l'affaire des actions détenues par Elyas Fakhfah au sein de plusieurs entreprises ayant bénéficié de contrats publics juteux devraient entraîner sa condamnation à la prison. Effet de manche ou avertissement à peu de frais? Toujours est-il que le président de l'ARP et néanmoins leader incontesté de la formation islamiste Ennahdha a affirmé, hier également, qu'il est prêt à affronter la motion de retrait de confiance présenté à son encontre par 73 députés sur les 1888 que compte le Parlement. Le vote de cette motion de censure doit avoir lieu jeudi prochain. «Il y a plusieurs défaillances dans cette motion [de retrait de confiance] et il aurait été facile de la refuser pour vice de forme, mais, par respect à la démocratie tunisienne et aux 73 députés signataires, et pour prouver que le chef du Parlement n'est pas venu ici par un coup d'Etat, mais grâce au résultat des urnes, j'ai décidé que je ne resterai pas une heure de plus sans la volonté des députés», a déclaré Ghannouchi, précisant que la réunion du bureau de l'ARP s'est déroulée en présence de tous ses membres (13 membres), et que «la motion a fait l'objet d'un consensus sans procéder à un vote pour la faire passer en séance plénière jeudi prochain». Le chef de file d'Ennahdha a en outre insisté sur le fait qu'il a lui- même proposé de faire passer la motion en séance plénière et qu'il n'était pas inquiété par cette démarche qui permettra, selon lui, de réévaluer la confiance en sa présidence du Parlement. «Je n'ai pas débarqué sur un char mais j'ai été choisi par mon parti et j'ai été élu au Parlement par des électeurs tunisiens et à la tête du Parlement par des députés», a-t-il martelé. Pour ce qui est de l'annonce de Kaïs Saïed, les pronostics vont bon train mais s'accordent presque tous à mettre en avant les candidatures de Fadhel Abdelkefi et Khayem Turki, dont les noms sont le plus revenus sur les listes proposées par les dix principaux partis présents à l'ARP et, tout particulièrement, Ennahdha, Qalb Tounes, Al Karama et Tahya Tounes. Kefi avait déjà été envisagé avant la désignation d'Elyas Fakhfakh, en vertu de son expérience en qualité de ministre des Finances sous l'étiquette d'Ennahdha. Kaïs Saïed avait envoyé le 15 juillet dernier une correspondance à Rached Ghannouchi pour lui demander les listes proposées par les partis et blocs parlementaires dans les dix jours qui suivent. Les propositions faites, il appartient au chef de l'Etat tunisien de choisir le candidat qui lui paraît le plus enclin à bénéficier d'un large soutien au sein de l'ARP dans la prochaine mandature gouvernementale. Il faut dire que jamais la Tunisie n'aura connu autant d'incertitudes dans tous les domaines, la menace d'une dissolution de l'ARP étant un scénario redouté mais de plus en plus probable.