Après avoir menacé de ne pas voter au Parlement la confiance au gouvernement Fakhfakh, Ennahdha a finalement fait volte-face, justifiant sa décision par la nécessité de prendre en considération la situation économique et sociale du pays et le conflit en Libye voisine. Plus de quatre mois après une crise politique sans précédent, la Tunisie pourrait enfin se doter d'un nouveau gouvernement le 26 février, date à laquelle il sera soumis à l'approbation du Parlement, au terme d'un bras de fer entre le président Kais Saied et le parti d'inspiration islamiste Ennahdha. La session plénière consacrée au vote de confiance sur le gouvernement d'Elyes Fakhfakh aura lieu mercredi 26 février, a indiqué jeudi l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) dans un communiqué. Mercredi, le Premier ministre Fakhfakh, 47 ans, a dévoilé une version remaniée de ce gouvernement, après le rejet d'une première mouture par Ennahdha. Première force au Parlement (54 sièges), ce parti a obtenu au final sept portefeuilles. Et s'il ne décroche pas les ministères escomptés, le parti d'inspiration islamiste a cette fois donné son feu vert, ouvrant la voie à un vote favorable à l'Assemblée, où la majorité est de 109 voix (sur 217). "Enfin, le dénouement !" a titré hier le quotidien francophone La Presse, sûr de son fait malgré les multiples rebondissements des derniers mois. "La période des concertations, malgré ses difficultés et sa complexité, s'est déroulée de façon tout à fait démocratique", a jugé mercredi le Premier ministre, désigné il y a tout juste un mois. Des négociations intenses ont continué jusqu'à la dernière minute mercredi soir, avec l'aide de la puissante centrale syndicale UGTT—un médiateur historique—et l'organisation patronale Utica. Alors qu'Ennahdha avait soutenu Kais Saied au second tour de la présidentielle en octobre, les pourparlers ont ensuite mis au jour de profondes divergences entre ces principaux acteurs de la vie politique, tous deux désireux d'imposer leurs orientations. En janvier, un précédent gouvernement constitué sous la houlette d'Ennahdha avait échoué à obtenir la confiance des députés. Néophyte en politique mais élu avec un très confortable score l'an dernier, le président Kaies Saied est un spécialiste du droit constitutionnel très critique du système parlementaire partisan. Il défend une décentralisation radicale du pouvoir. Rached Ghannouchi, chef d'Ennahdha, est, lui, une figure de la classe politique aux commandes depuis la révolution de 2011, qui a toutefois vu son poids électoral s'éroder. Par pur pragmatisme, il a accédé à la présidence de l'ARP à la faveur d'une alliance avec son principal adversaire électoral, Qalb Tounes, mené par le sulfureux magnat des médias Nabil Karoui. Au final, si Ennahdha a obtenu sept ministères dans la dernière mouture du gouvernement, il n'a pas eu ceux escomptés, notamment l'Intérieur et la Justice. Durant le week-end, la formation d'inspiration islamiste avait évoqué une démission de M. Fakhfakh ou une motion de censure contre le gouvernement sortant. Mais Kais Saied avait coupé court lundi à ces plans, en assénant devant les caméras un cours de droit à un Rached Ghannouchi visiblement mal à l'aise. Il avait martelé que l'unique alternative à l'octroi de la confiance au gouvernement Fakhfakh était de se préparer à une dissolution de l'Assemblée. Mercredi, Ennahdha a justifié sa volte-face par la nécessité de prendre "en considération la situation économique et sociale" du pays et le conflit en Libye voisine.