Benjamin Stora qui avait défini sa mission comme «une réflexion» autour de l'histoire commune algéro-française, a précisé, avant-hier sa pensée dans un entretien accordé à la radio française, RMC. Ainsi pour Stora, son travail consiste à remettre au président français des recommandations. Celles-ci ne relèveront pas de généralités, mais concerneront «les gestes à effectuer et les actions à engager dans les mois et années à venir», selon les voeux du président français. Le facteur temps est on ne peut plus précis et l'on est censé s'attendre à une série d'initiatives de l'Elysée, dans le courant de l'année prochaine, si ce n'est pas avant. L'historien spécialiste de la révolution algérienne mettra son savoir et sa rigueur scientifique au service de la réconciliation mémorielle, comme le souhaite l'hôte du palais de l'Elysée. Il semble en tout cas y croire, pour en faire sa mission. Et les initiatives qu'il proposera au président Macron seront en direction de la France «comme dans ses liens avec l'Algérie». Benjamin Stora qui a accepté la mission confiée par Emmanuel Macron espère sans doute contribuer, comme le souligne Macron, à savoir «avancer dans ce travail de mémoire si difficile et pourtant si nécessaire à notre avenir». Les chances de succès de cette démarche, à ce jour inédite dans les annales des deux Républiques, algérienne et française, sont assez bonnes, à bien écouter l'historien qui a affirmé sa conviction quant à la volonté du président français d'«aller loin» dans le travail commun de réconciliation des mémoires. Dans son travail, Benjamin Stora entend transcender le cadre étroit des Etats et des pouvoirs en place et préfère parler de peuples français et algérien, qui devraient trouver le chemin de la réconciliation. Mais pour y parvenir, il semble que cela soit plus difficile qu'il n'y paraît et, selon Stora, Emmanuel Macron est à la recherche d'une démarche qui capitalise chaque pas fait dans le sens d'un raffermissement des relations entre Alger et Paris. Toute la difficulté de la mission de Stora consiste donc à faire faire à Macron un pas en avant gigantesque, en comparaison avec ses prédécesseurs à la tête de la France. Ce ne sera pas aisé du tout. Et pour cause, ce travail est «une lourde responsabilité, car tous les présidents qui se sont succédé ont essayé de faire en sorte qu'une amitié puisse exister avec l'Algérie». Mais chaque pas s'en est trouvé entravé par une levée de boucliers des nostalgiques de l'Algérie française. Mais quoi qu'en dise Stora comme tous les observateurs de la scène algéro-française, l'Algérie «est un pays qui compte en Méditerranée, en termes de stratégie et de géopolitique». Et si «les présidents français sont allés très loin dans la caractérisation du système colonial et Macron lui-même est prêt à aller loin», comme l'a confié Stora, sans qu'on ait l'impression d'avoir réellement avancé, c'est qu'il reste encore beaucoup à faire. C'est dire toute l'importance d'un travail de mémoire sérieux et sans concession. Pour Stora c'est «un enjeu considérable pour la France». Il y a là une reconnaissance de l'importance d'inauguration d'une nouvelle séquence d'histoire entre les deux pays. Emmanuel Macron en a saisi l'urgence et la mission de Benjamin Stora s'en trouve, de fait, stratégique pour l'avenir commun des deux puissances qui se font face. La Guerre de Libération nationale «touche des millions de personnes dans leur coeur et leur mémoire», explique l'historien. Mais il faut dire que l'effet de la guerre n'est pas la même. Au moment où les Algériens assument pleinement leur indépendance, les descendants de certains colons refusent d'admettre la défaite de la colonisation.