Désigné officiellement, le 25 juillet dernier, par le chef de l'Etat Kaïs Saïed, Hichem Mechichi a encore une semaine pour présenter la nouvelle équipe gouvernementale avant de tenter d'obtenir la confiance du Parlement, à une majorité absolue, courant septembre. En cas d'échec, l'Assemblée sera dissoute et de nouvelles élections législatives seront convoquées. Les législatives d'octobre 2019 avaient conduit à un Parlement émietté et si un nouveau scrutin anticipé devient nécessaire, il interviendra dans 90 jours, au plus tard, c'est-à-dire avant la fin 2020. Le 10 août dernier, Hichem Mechichi avait expliqué, lors d'une conférence de presse à la fois brève et réfléchie, que le contexte politique tunisien, exacerbé à l'extrême, ne permet pas d'envisager un gouvernement composé de personnalités issues des partis. Argument par lequel il justifie son choix de former une équipe de compétences indépendantes pour mettre en oeuvre un programme dont il n'a révélé que les grandes lignes générales. Les observateurs ont, quant à eux, souligné la marque du président Kaïs Saïed dans cette mandature, qui ressemble par bien des aspects à celle, déjà tentée, par Elyas Fakhfakh dont on connaît le sort après les coups portés par Ennahdha et ses alliés, Qalb Tounes et Al Karama. Sans le formuler clairement, Mechichi a estimé que les partis et leurs groupes parlementaires au sein de l'Assemblée sont incapables de répondre aux attentes des Tunisiens, dès lors qu'ils sont déconnectés des réalités du pays. Un verdict qui rappelle celui, déjà prononcé, du président Saïed sur le paysage politique tunisien et sur son incapacité à prendre en charge les défis socio-économiques auxquels fait face la Tunisie. C'est ce qui a déclenché une levée de boucliers chez les partis cités plus haut, leurs dirigeants concluant que la liste du gouvernement est déjà ficelée à Carthage et que Mechichi ne serait que la face cachée du pilote réel du nouveau processus. Telle est la conviction de Seif eddine Makhlouf, président du bloc parlementaire d'al Karama et elle est largement partagée, aussi bien par Ennahdha que par Qalb Tounes. Ali Laarayedh, dirigeant d'Ennadha, a prévenu Hichem Mechichi que son choix doit tenir compte du résultat des dernières législatives et donc de la volonté populaire qu'elles reflètent. Quant à Hichem Ajbouni, chef du bloc démocrate à l'ARP, il prévient qu'un gouvernement de technocrates aura bien du mal à faire passer ses projets de lois sans le soutien d'une majorité de députés, critiquant au passage les intentions larvées de Mechichi. Toujours est-il que cette démarche, parrainée par Kaïs Saïed, bénéficie du soutien des organisations majeures que sont l' UGTT et l'UTICA. Mechichi a rencontré, peu avant sa conférence de presse, le président Saïed, et les dirigeants des deux syndicats des travailleurs et du patronat, Nourredine Taboubi et Samir Majoul. Les partis vont devoir faire contre mauvaise fortune bon coeur et accepter un remake de la série Fakhfakh, quitte à faire profil bas pendant quelques mois. L'opinion publique, en général, leur attribue, toutes tendances confondues, les échecs et l'entière responsabilité de la crise que traverse, actuellement, le pays et ils ont donc tout intérêt à se soustraire à l'attention des Tunisiens. Dans le cas contraire, ils devront envisager un bras de fer risqué avec le chef de l'Etat qui a affirmé, voici deux semaines, sa disponibilité à dissoudre le Parlement, sans état d'âme. Et dans ce cas de figure comme dans l'autre, la Tunisie n'aura pas d'autre choix que d'endurer la traversée du désert dont on peine à imaginer la moindre oasis.