Le président de l'Assemblée tunisienne des représentants du peuple (ARP, Parlement), Rached Ghannouchi, a expliqué, jeudi, à Dar Dhiafa, à Carthage, que «la Tunisie a besoin d'une stabilité et d'une trêve sociale et politique eu égard aux nom-breux défis qui se posent». Une justification en bonne et due forme du vote de confiance que son mouvement a effectué au profit du nouveau gouvernement de Hichem Mechichi. Prenant prétexte de la cérémonie de passation entre le sortant Fakhfakh et le nouveau locataire de la Kasbah, Ghannouchi a insisté sur la nécessité de «resserrer les rangs autour du gouvernement pour relever les défis sanitaires, économiques et financiers et réaliser un programme de salut national». «La stabilité est essentielle pour le progrès du pays», a-t-il argumenté, relevant que l'alternance pacifique au pouvoir est un signe de maturité et de civisme, qui permettront à la Tunisie de «réaliser la prospérité». Pour le chef du mouvement Ennahdha, «la culture de la liberté, de la démocratie et des droits humains qui prévalent, aujourd'hui, en Tunisie, garantiront à notre pays un lendemain meilleur». Et c'est en présence de plusieurs présidents de partis politiques représentés au parlement, de présidents des instances et organisations nationales, de vice-présidents et présidents des groupes parlementaires, d' anciens chefs de gouvernement ainsi que de personnalités nationales que le président de l'ARP a voulu consacrer la continuité des choses, après les tiraillements observés au cours des dernières semaines et les menaces d'une dissolution du Parlement, voire d'une crise de légitimité institutionnelle. Bref, le gouvernement Mechichi qui est, lui aussi, passé par maints soubresauts et divers couacs, tels que des remplacements de ministres in extremis, a fini par obtenir 134 voix sur les 217 que compte l'ARP, le vote de confiance indispensable à sa intronisation. Du coup, Hichem Mechichi, 46 ans, devient le neuvième premier ministre en Tunisie, depuis les événements de 2011, et le troisième en quelques mois de l'année 2020. Depuis la chute de Ben Ali, en 2011, l'élite tunisienne est dominée par les tenants d'une orthodoxie néolibérale, qui a bénéficié du soutien des islamistes d'Ennahdha, partisans, quant à eux, de l'économie de bazar. Alliés et otages de Ennahdha, plusieurs chefs de gouvernement ont tenté des réformes, sans parvenir à atteindre leur objectif, et la situation n'a fait que se dégrader. Corruption, économie parallèle et affaiblissement de l'Etat ont contribué à la rendre sans cesse plus difficile. Ainsi, le recul de plus de 20% du PIB en 2020 n'a pas pour seule cause l'impact de la pandémie. L'économie du pays était déjà en récession. Le Covid-19 n'a fait qu'amplifier la décroissance économique. Ce qui fait que l'estimation par le gouvernement Fakhfakh d'un recul du PIB de 7% durant l'année en cours s'avère très optimiste par rapport à une récession dont beaucoup pensent qu'elle sera à deux chiffres, 14% du PIB au mieux, sinon un taux encore plus dramatique. Partant de là, le projet de loi de finances complémentaire élaboré par Fakhfakh doit être revu et corrigé par Mechichi dont l'arbitrage sera encore plus douloureux pour la LF 2021. C'est dire combien la tâche du nouveau Premier ministre va être complexe et douloureuse, surtout que le mouvement Ennahdha et ses alliés l'attendent de pied ferme sur ce chemin déjà miné.