Alger estime que les réformes dans le monde arabe doivent concerner aussi les institutions. Le prochain sommet de la Ligue arabe qui aura lieu à Khartoum sera particulier. Il le sera non pas parce qu'il devrait donner une nouvelle impulsion aux efforts saoudo-égyptiens. Non pas parce qu'il s'attellera à apaiser les relations entre Beyrouth et Damas. La particularité, cette année, c'est que le déroulement de ce sommet aura comme toile de fond l'embryon d'une réforme. Depuis que l'Algérie a eu à présider aux destinées de cette vieille organisation, elle a permis l'application partielle des réformes. Intervenant hier sur ce sujet, Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président de la République, a précisé que les amendements apportés au règlement intérieur lors du sommet d'Alger ‘'ont permis à la Ligue arabe d'entrer dans une phase qualitative de sa réforme». Il a en outre indiqué que le projet de la création de la cour arabe de justice, du conseil arabe de sécurité et de paix est à l'étude actuellement, et probablement une réunion en ce sens aura lieu après le Sommet de Khartoum, a-t-il dit. Alger estimait déjà depuis 2004, que les réformes dans le monde arabe ne doivent pas concerner uniquement les sociétés, mais aussi les institutions. La proposition algérienne a marqué le sommet de Tunis, en mai 2004 et a irrité l'Egypte. Cette dernière qui trône sur le poste de secrétaire général depuis la création de la ligue en mai 1945, ne veut pas céder cet «acquis». La polémique a enflé entre Alger et le Caire mais la démarche d'Alger a coïncidé avec l'idée du Grand Moyen-Orient lancée par Washington. Bien plus, nombre d'observateurs ont soutenu la proposition algérienne affirmant que la Ligue arabe «doit s'adapter au nouveau contexte mondial avec l'émergence d'une puissance, d'un nouvel ordre mondial dominé par la même puissance». Une réforme qui, selon ces observateurs, doit se faire par le changement de la fonctionnalité de cette organisation, à savoir l'élection des membres et du secrétariat général qui ne doit plus être la propriété de l'Egypte. Ainsi, une nouvelle ère, révisant les ambitions et les enjeux arabes dans la scène régionale et internationale a été inspirée par l'Algérie. Car il faut admettre que l'esprit ayant présidé à la naissance de la Ligue arabe n'existe plus. La création, en 1945, de cette ligue s'inscrivait dans cette époque du parachèvement des indépendances. Elle a été bâtie sur la base d'un compromis qui avait pour objectif prioritaire la libération de la Palestine. Ensuite, la réalisation d'une unité arabe. Cinquante ans plus tard, aucun de ces deux objectifs n'a été atteint. L'espoir de libérer la Palestine soigneusement caressé dans l'imaginaire arabe s'est estompé pour devenir une frustration. Et l'unité arabe s'est effilochée au fil des années et des événements. Le dernier événement a été l'invasion de l'Irak où les Arabes ont consommé leur séparation. Les deux guerres du Golfe ont créé, pour les pays arabes, des situations d'embarras, d'alignements forcés, de positions de dépendance. Désormais, chaque pays se détermine selon ses propres intérêts et sa propre logique. En fait, ils se sont libérés des référents idéologiques panarabe et panislamique. C'est dans ce contexte d'évolutions imposées de l'extérieur que l'Algérie a préconisé une indispensable réforme intérieure.