Il y a deux chemins qui mènent à la magistrature suprême. Quand l'opposition, version Mouloud Hamrouche, consent à prendre la parole, une à deux fois au cours d'un mandat présidentiel de cinq ans, c'est qu'il y a, se dit-on, une élection en vue. Pas une élection locale, voire législative. Non, une bonne et tonique élection présidentielle, la présidence de la République étant considérée, de par la Constitution et la tradition ancrée dans les ... moeurs, comme la clef de voûte de l'édifice institutionnel. Ce qui, malgré tout, dans la conception même de Mouloud Hamrouche, ne fait pas réellement de lui le véritable détenteur du pouvoir. Ce dernier serait l'apanage des décideurs de l'ombre, du fameux «cabinet noir» qu'on ne voit pas et qui veille aux destinées du pays. C'est sans aucun doute là que réside le paradoxe. Hamrouche accepterait au demeurant de n'être qu'un trois quarts de président, partageant ses prérogatives avec un aréopage de personnes influentes qui lui tracerait des lignes rouges à ne pas franchir. C'est-à-dire que quelque part, l'homme qui s'était fait fort de réformer le système, à la fin des années 80, reste prisonnier des ornières de ce même système, et que son horizon se limite à un saupoudrage de réformettes et de demi-mesures qui ne bousculerait en rien les équilibres sur lequel repose l'édifice. Ce faisant, Monsieur Hamrouche n'est pas en mesure de répondre aux aspirations de son électorat virtuel, c'est-à-dire de tous ces comités de soutien, dans et à l'extérieur du FLN, qui se forment pour soutenir sa candidature toutes les fois qu'il en exprime le voeu, voire le pressent de le faire. La devise de M.Hamrouche est connue des médias autant que de la population: «Je ne me présenterai pas contre le candidat du pouvoir». Enfant du système, connaissant sur le bout des doigts les arcanes et les allées du sérail, M.Hamrouche attend patiemment son heure. A ce titre, il considère qu'il est en réserve de la République, et à ce même titre, il reste un candidat épisodique. On pourrait lire sur son CV: Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, père des réformes, candidat à l'élection présidentielle. C'est une attitude très algérienne et très originale de faire de la politique, et qui consiste à croire que les électeurs ne votent pas contre le candidat du pouvoir. Car il y a deux chemins qui mènent à la magistrature suprême. Le premier, c'est le chemin de croix de ceux qui acceptent d'aller au charbon, et qui, tous les jours que Dieu fait , discutent pied à pied les décisions de l'Exécutif, interpellent les membres du gouvernement sur la gestion de leur département, contestent la gestion, font des contre-propositions, déposent des motions de censure, introduisent des amendements, épluchent les projets de loi, vingt fois sur le métier remettent leur ouvrage. A terme, cette méthode est payante, et en tout cas, on pourra ressentir la satisfaction du travail bien fait. Le deuxième chemin est celui des cooptations, faites selon des tractations et des critères que seul un cercle restreint connaît. C'est le lapin qu'on nous sort du chapeau à la dernière minute, et qui a donné Ben Bella en 1962, Boumediène en 1965, Chadli en 1979, Boudiaf en 1991, Zeroual en 1994... Et puis il y a un troisième chemin, plus hasardeux, celui du ballon sonde, voire du lièvre qu'on lance sur la piste longtemps à l'avance pour donner du piment à la compétition électorale future, alors même que les véritables champions ne sont pas alignés et que les enjeux ne sont pas définis. On peut penser que Mouloud Hamrouche est trop intelligent pour s'inscrire dans ce dernier cas de figure.