Ses détracteurs lui prêtent des visées politiques et des calculs de florentin. Il était à l'aise au cours du week-end, Ahmed Ouyahia. Pour une fois enfin, il quitte sa casquette de chef de gouvernement pour vêtir celle de secrétaire général du gouvernement. Une occasion en or pour se départir de l'obligation de réserve, et de dire ses quatre vérités à ses alliés de la coalition gouvernementale. A l'endroit du MSP et de son président Boudjerra Soltani, il n'hésite pas à puiser dans son carquois pour décocher quelques flèches empoisonnées, affirmant que son rival de l'alliance a deux fers au feu : un pied dans le gouvernement et un autre dans l'opposition. A l'adresse de Abdelaziz Belkhadem, c'est surtout cette histoire de la révision de la Constitution qui revient sur le tapis. Une fois de plus, il rappelle qu'il est, lui, contre toute révision dans l'immédiat. En tout cas, qu'il n'en voit pas l'utilité. Et en réponse à peine voilée à Mouloud Hamrouche, considéré par ses soutiens comme le père des réformes et qui a recommandé au colloque du MSP que de ne pas se laisser tenter par les sacs de dollars, Ouyahia assène son propre aphorisme: «Le processus de développement initié par l'Algérie ne s'évalue pas en termes de dollars. Il s'agit bel et bien de réformes.» Après avoir donc réglé ses problèmes avec les uns et les autres, le secrétaire général du RND se retrouve donc à l'aise pour jongler avec le seul ballon qui lui convient: le tandem qu'il forme avec le président de la République. Première constatation: il affirme que son parti le RND a toujours placé l'intérêt de l'Algérie au-dessus de toute considération partisane, avant de souligner que pour sa part il a choisi l'Algérie avant le RND. Conclusion que l'on peut tirer de tout cela: Ouyahia n'a pas d'ambition démesurée. La présidentielle pas plus que la course à la magistrature suprême ne sont pour lui la priorité des priorités, en tout cas pas tant que Abdelaziz Bouteflika y sera. «C'est simple, dit-il, je ne me présenterai jamais contre M.Abdelaziz Bouteflika.» Il ira plus loin en avouant que les attaques qui ont été menées contre un second mandat de M.Bouteflika, le visaient également lui, Ahmed Ouyahia. Traduction: il existe bien un tandem Bouteflika - Ouyahia au sommet de l'Etat. On pourrait ajouter que tout le reste est littérature. Ceux qui veulent à tout prix déceler un défaut dans la carapace reprochent justement à M.Ouyahia de ne pas se prononcer pour une modification de la Constitution dans le sens à permettre un troisième mandat de M.Bouteflika. Ils lui prêtent donc le désir de briguer la présidentielle en 2009, et de rouler pour sa propre candidature. La chose pourrait alors se présenter comme suit: «Je ne me présenterai pas contre M.Bouteflika, puisque lui sera empêché par la Constitution, qui ne lui accorde que deux mandats.» Et cela rejoint les analyses de tous les philosophes de salon qui font des projections pour 2009 et pensent que les «décideurs» ont déjà choisi Ahmed Ouyahia pour succéder à M.Bouteflika. Il y aurait même une sorte de deal entre le président de la République et son chef de gouvernement dès 2003 déjà l'époque où le trouble-fête s'appelait Ali Benflis. C'est un fait que les voies de la politique sont impénétrables en Algérie, surtout celles d'un homme comme Ahmed Ouyahia, qui ne dévoile jamais son jeu ni ne fait montre de ses ambitions personnelles. Et c'est en cela que ses détracteurs lui prêtent des visées politiques et des calculs de florentin, lui qui justement jure ne pas faire de la politique, et de n'être qu'un technocrate et un commis de l'Etat. Auquel cas, Boudjerra Soltani est bien servi, qui souhaite la formation d'un gouvernement formé de technocrates, en prévision des législatives de 2007. Quant à la révision de la Constitution, on rappellera que le président de la République n'en fait plus cas ces dernières années, alors qu'elle revenait comme un leitmotiv dans ses déclarations au début de son premier mandat.