Le chef du gouvernement, qui est au centre d'un tir croisé de ses propres alliés, renvoie la balle dans le camp de ses détracteurs. Terrible aveu de M.Belkhadem: en disant qu'il n'est pas seul responsable de la situation actuelle, le secrétaire général et chef du gouvernement renvoie la balle à la fois dans le camp de ses partenaires au gouvernement, qui n'ont pas hésité à tirer à boulets rouges sur sa gestion des affaires publiques, et dans celui des responsables du FLN, à l'instar de M.Bouhara, qui ont exigé la tenue d'un congrès extraordinaire du FLN à l'effet de préparer la présidentielle de 2009. Les uns et les autres, en s'en prenant à M.Belkhadem, font le procès d'une vision et d'une démarche. Les deux font aujourd'hui choux blanc. La vision, c'est celle qui a été développée par M.Belkhadem au lendemain de sa nomination à la tête de l'Exécutif. Pour lui, à l'époque, les choses étaient claires: il s'agissait de restituer au chef de l'Etat toutes ses prérogatives. Et dans ces conditions, le chef du gouvernement devait s'effacer pour permettre au président de la République d'être le véritable et unique chef de l'Exécutif. Pas de doublure au sommet de l'Etat. C'est du reste sur une telle thèse que s'appuie M.Belkhadem pour exiger une modification de la Constitution, adossée à la demande d'un troisième mandat, voire de non-limitation des mandats. M.Belkhadem avait doré la pilule en promettant des augmentations de salaires: c'était un peu le volet populiste de cette nouvelle vision. Ce que n'avait dit qu'à demi-mots M.Belkhadem, c'est qu'il voulait appliquer ces mesures avec une nouvelle équipe gouvernementale, dont il avait préparé la liste en consultant à droite et à gauche, avant de se voir rabroué sur cette question par le chef de l'Etat. Or, il se trouve que, par ailleurs, M.Belkhadem porte une double casquette, puisqu'il est parallèlement secrétaire général du parti majoritaire dans le pays et aussi membre de l'Alliance présidentielle. Au sein même du FLN, la gestion de M.Belkhadem est de plus en plus contestée, parce que sans doute il n'a pas su être un bon animateur, ni organiser une vie démocratique et des débats fructueux. C'est la raison qui a poussé des militants comme M.Bounekraf à démissionner de l'instance exécutive et d'autres comme M.Bouhara à adresser une «alerte» au secrétaire général pour demander la tenue d'un congrès extraordinaire. Double casquette, double défi, et partant double échec? Les alliés de M.Belkhadem au gouvernement reconnaissent la détérioration du pouvoir d'achat, une mauvaise gestion de la flambée des prix à l'échelle internationale, et en tirent la conclusion qu'il faut: MM.Soltani et Ouyahia demandent le départ du gouvernement. Les amis de M.Belkhadem au sein du FLN mettent en avant la trop forte abstention aux deux dernières élections, le relatif recul du FLN et le nombre de voix et d'élus pour crier à la faillite. C'est ce que vient de faire M.Bouhara, avec un groupe de militants, pour exiger la convocation d'un congrès extraordinaire. Ce qui est bien avec M.Belkhadem, c'est qu'il donne raison aux uns et aux autres. Il reconnaît les échecs, mais il ne veut pas en assumer seul la responsabilité. Lui aussi, et il ne l'a que très souvent exprimé, souhaite un remaniement de l'Exécutif, et lui aussi propose la tenue d'un congrès extraordinaire, aussi bien pour cautionner la révision de la Constitution que pour soutenir un troisième mandat du chef de l'Etat. Quelque part, on peut dire que tout le monde est d'accord sur le diagnostic et sur les moyens de résoudre la crise profonde qui ne cesse de s'aggraver, et à un an et demi de la présidentielle; il ne fait aucun doute que les contradictions s'exacerbent. Dans ces conditions, il doit bien y avoir quelqu'un qui détienne la solution et qui proposera un compromis politique. C'est l'une des rares fois en Algérie où la désignation d'un candidat à la présidentielle est aussi étroitement liée à la résolution des problèmes quotidiens, du fait même de l'imbrication des questions économiques, politiques, sociales, le pouvoir politique, en cette étape charnière, détenant les clefs de la résolution des problèmes sociaux et des conflits d'intérêt.